Préjugés, sexisme: combat permanent

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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par abFab » 18 mars 2013 16:58

Norma Bates a écrit : Même si, je suis globalement d'accord sur le fait qu'on tape un peu facilement sur un petit groupe de meufs en lutte, j'ai du mal avec la phrase que tu cites AbFab:
Je prétends donc que la critique féministe systématique de FEMEN ne fera qu’encourager les sexistes en tout genre, qui trop contents de trouver des dissensions au sein des mouvements féministes, en profiteront pour déconsidérer le féminisme tout entier.
:lol:
Moi je l'avais surtout citée en fait pour la deuxième partie "Je ne peux imputer cela à FEMEN qui, je le rappelle, sont et restent des femmes immigrées en France c’est à dire des citoyens de sous catégorie."

C'est ce que je regrette (je dirais pas "reproche") (mais presque) à Cholet/Guillon.. c'est de finalement ne viser que les Femen. Ce que je veux dire, c'est que pour organiser une prestation médiatique, il faut des vedettes (les femen) et des médias.
Par exemple, quand les femen font un défilé de mode dans les inrocks, on a affaire d'un côté à un groupe de proto-féministes ukrainiennes (comme l'xplique CG sur le féminisme balbutiant ukrainien) dans une dynamique activiste (donc avec surement peu de recul) (et probablement beaucoup de mauvaise foi rétorqueront certains mais passons), et de l'autre côté des journalistes aguerris qui travaillent dans un magazine avec certaines prétentions intellectuelles voire avant-gardistes. L'évènement médiatique est le fait de ces deux groupes, les activistes Femen et les journalistes des Inrocks. Dire que le résultat pitoyable n'est que le fait de femen et exonérer de fait ces foutus journalistes, comme s'il n'étaient pas partie active du micro-phénomène, je trouve ça dommage.
Pour moi les Femen servent plus de révélateurs à l'indécrottable sexisme de ces crétins de journalistes, qu'à quoi que ce soit dans la lutte féministes. Et plutôt que de les viser à elles, on ferait mieux de se concentrer sur ce qu'elles révèlent de nos médias, et qui n'est décidément pas reluisant. Sans médias sexistes, les femen n'existeraient pas.
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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par mètre kanter » 18 mars 2013 19:22

Plus déroutant, le fait qu'elles aient posé pour le magazine de mode Obsession en portant des accessoires de luxe (Chanel...).

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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par abFab » 18 mars 2013 20:22

mètre kanter a écrit :Plus déroutant, le fait qu'elles aient posé pour le magazine de mode Obsession en portant des accessoires de luxe (Chanel...).
http://obsession.nouvelobs.com/pop-life ... nales.html

Je ne vois pas d'accessoire de luxe... Ya un dossier suffisamment lourd sur les femen, c'est ptetre pas la peine d'y ajouter de la diffamation...
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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par mètre kanter » 18 mars 2013 21:21

Ouais ouais. T'es sympa, mais je te parle des photos parues dans le magazine, un truc papier donc, dont la légende cite expréssement Chanel parmi d'autres marques.
http://img832.imageshack.us/img832/3479/31885833.jpg
http://img19.imageshack.us/img19/3755/87793213.jpg
C'est pas le plus important.

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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par Laurent NTZine » 19 mars 2013 17:32

mètre kanter a écrit :je te parle des photos parues dans le magazine, un truc papier donc, dont la légende cite expréssement Chanel parmi d'autres marques.
Un article pas inintéressant est paru dans Causette n°33.
A lire quelques bribes ici :
http://www.causette.fr/articles/lire-ar ... -bats.html
L'interview qui suit (le canard est toujours en vente) parle de cette session photo. Et du caractère ultra-hiérarchisé du groupe (une décideuse et des exécutantes, en gros)

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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par MélusineCiredutemps » 26 mars 2013 2:12

La Fédération Anarchiste affiche au grand jour son discours masculiniste ?

Le Hors-série du Monde Libertaire de mars-avril 2013 sur l’éducation cache dans ses pages une perle du masculinisme français. Roger Dadoun, professeur émérite des universités et enseignant à Paris 7, nous gratifie d’une analyse crypto-freudienne du viol de DSK sur Nafissatou Diallo.

À grand renfort de théories fumeuses et de mots compréhensibles uniquement par des bac+12, il remet en cause le viol commis par DSK. Ses idées sont claires ; non seulement le viol n’en était pas un, c’était seulement une « frasque libidinale », mais il met en scène cet acte d’horreur avec des mots crus dignes d’un film pornographique. Sans rien envier à Éric Zemmour ou Alain Soral, il explique et justifie le viol par une soi-disant féminisation de la société et des hommes (qu’il nomme « hystérisation »). Les hommes vivraient des « hystères » ou moment d’hystérie qu’ils ne semblent pas pouvoir contrôler…

Le viol : Érotisation et Déni

« Ce n’est pas un viol, c’est une frasque libidinale » Roger Dadoun réussi un tour de force lorsqu’il nous parle du viol de DSK sur Nafissatou Diallo. Il débute son texte en affirmant que ce qui s’est passé ce jour là est on ne peut plus concret et précis ; c’était un « acte de fellation consommé » entre un client et une femme de chambre. Durant toute son explication, les mots « viol, violeur, rapport forcé, domination masculine, agression, victime, non-consentement, violence… » n’apparaissent dans le texte. L’agression sexuelle est même (re)qualifiée en « relation consommée, geste, rencontre ou circonstance inattendue, fellation incidente, prétendue agression sexuelle, frasque libidinale… » tandis que le violeur et sa victime sont appelé-e-s « protagonistes » ou « client » pour DSK, faisant planer le doute entre client de l’hôtel et client d’une prostituée. Dans cette atmosphère nauséabonde, pourquoi parler d’un viol sans le nommer ? Pour montrer qu’il n’existe pas.

Le fantasme du (faux) viol Le viol est décrit comme le fantasme d’un mauvais film pornographique. Le cadre d’une chambre d’hôtel est posé, « lieu de passage : règne de la passe ». Les mots « passe » et « client » relevant clairement du vocabulaire de la prostitution. Le personnel, homme et femme, a un « contact charnel constant indirect avec le client ». Dans le film de Roger Dadoun, « le client sort en nudité d’humeur légère de sa douche, à effet peu ou prou érotisant » et l’employée « pénètre » à ce moment dans la chambre (le doute laissant penser qu’en face de lui c’est une employée/prostituée qui joue sur la double facette de la soubrette sexy). Et là ce ne sont plus deux personnes, mais deux corps, selon l’auteur, qui vont faire une rencontre. Il les voit comme face à face, suspendus dans un « temps X » qu’il qualifie de mystérieux, et se demande « qui fait le premier pas ». Il se questionne sur leurs motivations concordantes, sur ce que font leurs mains, leurs têtes, leurs bouches. Puis « la femme suce le sexe de l’homme », quelques gouttes de sperme en sortent. Cela a a duré quelques minutes.

Dans son fantasme malsain, il érotise le viol. Il en fait un événement racontable sans aucune conséquence, à part celle de susciter l’excitation. L’homme sort de la douche, il est comme surpris par la situation. C’est la femme qui est active, qui pénètre et déclenche la scène par sa présence. La victime devient coupable et le violeur est une figure passive. Les rôles sont inversés : le viol se transforme en une jolie scène érotique où l’homme est surpris par une femme qui jouerait un rôle ambigu de soubrette/prostituée.

Un viol n’est pas une jolie scène érotique.
Faire croire que c’est joli, c’est le banaliser et l’accepter.

« Si c’est une prostituée, ça n’est pas un viol » DSK est vu comme un client, on ne sait s’il s’agit d’un client d’un hôtel ou d’une prostituée. Et si DSK est un client, Nafissatou Diallo n’était elle pas une employée/prostituée volontairement ambiguë ? Roger Dadoun utilise le doute sur le pseudo-rôle de prostituée pour faire douter de la pertinence et de l’évidence du viol. Si c’est sur une prostituée, est-ce vraiment un viol ? N’est-ce pas son travail ? Rappelons à l’auteur que la réalité n’est pas un mauvais fantasme de Canal+ et qu’une employée d’hôtel n’est ni plus ni moins que ce qu’elle paraît être : une employée d’hôtel. Rappelons lui encore plus fortement que sur une employée ou une prostituée, le viol n’est pas caractérisé par le travail de la victime, mais par l’acte du violeur.

Quand une femme ne dit pas oui, c’est non.
Quand une femme dit non, c’est non.

« Elle aurait pu se défendre » L’auteur ose même prétendre que vu sa stature, Nafissatou Diallo aurait pu repousser DSK (donc empêcher ce qu’il appelle sa « prétendue agression »). Elle est présentée comme une « femme forte », habituée aux travaux forcés et « en mesure de résister ». Pire, il se pose la question de son poids, qu’on aurait alors pu comparer à celui de DSK, afin de savoir si effectivement elle aurait pu le repousser… Le degré zéro de la réflexion est atteint. Nafissatou Diallo est présentée comme un stéréotype raciste de femme noire bien charpentée par le labeur domestique et « peut-être illettrée ». Cette question sur son poids est mysogine et anti-grosse ; si elle est trop mince, elle ne peut résister mais si son poids est suffisant, elle acquiert une position de force pour repousser l’agresseur. Tout est résumé à une domination physique, niant volontairement le conditionnement patriarcal que subisse les femmes sur la notion de consentement.

D’un acte précis au doute affirmé Alors que le début de l’article affirme cet acte comme « concret et précis », la teneur n’est plus la même dans les dernières lignes. Revirement de situation, l’auteur affirme alors que « seule une reconstitution bien ordonnée aurait permis d’apprécier la vraisemblance et l’adéquation des versions et vécus des deux sujets ». Bien sûr, organisons des reconstitutions avec le violeur et la victime, pour qu’elle revive une deuxième fois son viol. On aurait dû y penser avant…

Enfin, cet acte qui « n’est plus un viol » mais juste un « acte sexuel entre deux corps », est replacé dans un contexte plus large : Faut-il rappeler qu’à l’échelle de la planète, ce sont des torrents de sperme et autres sécrétions que l’hôtellerie envoie dans des bidets, lavabos et laverie ? Et oui, pour Roger Dadoun le contexte n’est pas celui d’un violeur en série qui a fait l’objet de plusieurs dénonciations (celle de Tristane Banon et d’une prostituée du Carlton de Lille pour les plus connues) mais il est noyé parmi tous les actes sexuels qui se passent régulièrement dans les hôtels (viols ou relations consenties, l’auteur ne pose même pas la question).

« A-t-elle vraiment voulu dire non ? » Mais la vraie question que se pose l’auteur est celle-ci : la victime a-t-elle vraiment voulue dire non ? Selon l’auteur, si elle l’avait fait, elle aurait pu, vu sa masse, repousser un homme qui n’aurait sans doute pas osé lui courir après dans les couloirs de l’hôtel à moitié nu. Il décrit le viol comme un acte isolé et spontané, comme une rencontre fortuite de deux corps dans l’espace. Il le vide ainsi de son contenu. Il nie la difficulté de dire « non » lorsque l’agression arrive. Il nie les autres agressions dont DSK est l’auteur.

Le viol est acte patriarcal dans toute son horreur, qui dépossède les femmes de leur autonomie et de leur corps, mentalement et physiquement. C’est un homme qui s’imagine qu’une femme ne peut lui dire non. Et que même si elle dit non, elle pense oui. Il faut juste la forcer un peu pour lui donner envie. Le désir n’a pas à être réciproque. L’appétit vient en mangeant comme on dit. Et si elle ne dit rien c’est forcément qu’elle était d’accord, qui ne dit mot consent. Sinon elle aurait fait en sorte pour ça s’arrête.

Le Discours Masculiniste

Après une première partie érotisante, Roger Dadoun affiche sa théorie masculiniste, celle déjà énoncée par Alain Soral ou Éric Zemmour. Si la société va mal, si les hommes peuvent commettre des « frasques libidinales » (autrement dit des viols), cela est dû à une raison : la féminisation (ou hystérisation) de la société.

Sous couvert d’une pseudo-théorie psychatrisante et néo-freudienne obscure, difficilement compréhensible, il développe l’idée que les hommes sont aujourd’hui plus souvent sujets à une « hystérisation des réactions », « imprévisibles et passagères » qu’ils ne peuvent contrôler. Et s’ils ne contrôlent pas ces moments « d’hystère », ils ne peuvent être ni condamnés, ni culpabilisés. Théorie déjà défendue par Marcela Iacub, journaliste-masculiniste de son état. Accusation envers les femmes, défense de l’ordre patriarcal et de ses privilèges, Roger Dadoun brille par son idéologie réactionnaire.

Néo-freudisme et féminisation de la société L’auteur recycle l’idée d’hystérie. Fortement connotée, cette notion signifie littéralement relatif à l’utérus, et reste dans les représentations collectives, une sorte de fureur agressive d’origine purement féminine. Ne dit-on pas d’ailleurs des féministes quelles sont des hystériques mal-baisées ?

Et bien cet état psychologique (qui selon Freud concerne autant les hommes que les femmes), toucherait aujourd’hui plus « les hommes que les femmes selon l’évolution sociale actuelle ». Mais l’auteur ne nous en dit pas plus sur ce qu’est cette prétendue évolution sociale, ni pourquoi elle toucherait plus les hommes que les femmes. Le mystère reste entier…

Par contre, il nous explique très bien comment elle s’incarne : par des comportements comme les mimiques, la gestuelle, les lapsus, les éclats, les mensonges allant jusqu’à des « bouffées asmathiques d’énergie libidinale » (admirez le vocabulaire et l’envolée lyrique). Là aussi, on se ne sait absolument pas pourquoi elle toucherait plus les hommes que les femmes, ni d’où vient cette théorie et quelles en sont les preuves.

Mais le fait est là : Roger Dadoun joue sur la représentation de l’hystérie comme comportement féminin qui serait une caractéristique aujourd’hui principalement masculine. Selon lui, il y a une inversion des comportements entre hommes et femmes. Il y a une perte des repères pour les hommes, qui développent des comportements « universels et caractérisés par les déplacements permanents de la libido », des réactions inattendues, brusques et limitées. Il y a là une justification de l’acte de DSK qui n’a pu contrôler « une envie sexuelle brusque » mais aussi une justification de toutes les formes de viol, puisque c’est un « phénomène psycho-social généralisé » et « universel ». Ce n’est pas seulement DSK qui n’a pas pu retenir son « hystère », ce sont aussi les autres violeurs qui n’ont pu se retenir d’un prétendu viol.

Mais d’où vient cet « hystère » ? Pourquoi les hommes en souffrent ? Roger Dadoun le dit du bout des lèvres ; de cette fameuse évolution sociale qui place les hommes dans des situations où ils ne peuvent plus se contrôler. Comme dans l’idée machiste disant que les femmes sont instables car incapables de se contrôler, particulièrement lorsqu’elles ont leurs règles, les hommes sont devenus des femmes souffrant de moments « d’hystère ». La féminisation des comportements les empêche de se contrôler et les pousse à commettre l’irréparable. Le « simple et fugitif hystère de l’homme DSK » se résume donc à une frasque s’emparant de son corps et que sa raison n’a pu maîtriser. Bref, il recycle le cliché machiste de l’homme ne pouvant contenir ses pulsions sexuelles.

Justification du viol et négation d’un acte patriarcal À aucun moment le viol n’est replacé dans son contexte : celui d’un acte purement patriarcal. Roger Dadoun ne fait que discourir sur la pseudo-souffrance du violeur et tait intégralement celle de la victime. Seul l’homme, ses sentiments, son ressenti et sa souffrance compte.

Il tente également de nous démontrer que le viol n’est pas la faute du violeur, parce qu’on est pas sûrE de ce qu’il s’est passé (Roger Dadoun n’a pas dû lire le rapport médical), parce que si vraiment la victime avait voulu dire non, elle l’aurait sans doute fait (il n’a jamais eu à dire non à une agression sexuelle) et que même si viol il y a eu, DSK a été emporté par ses émotions, il ne s’est pas rendu compte de ce qu’il faisait et donc on ne peut pas le condamner. Pire, si les hommes commettent ces actes, c’est parce qu’ils deviennent des femmes, ce sont donc les femmes elles-mêmes les fautives.

Le succès du discours masculiniste Déjà très connu au Québec, le mouvement masculiniste est incarné en France par des figures tantôt littéraire comme Michel Houellebecq tantôt politique comme Alain Soral ou Éric Zemmour.

Ces deux derniers se présentent comme des figures anti-conformistes et maudites (les tabous de la société les empêchent de s’exprimer) mais sont en fait largement popularisés par les médias (Internet, journaux, télé, radios…) et donc cautionnés par le pouvoir en place. Ils se revendiquent comme des « machos décomplexés ».

Éric Zemmour Éric Zemmour est le représentant d’une droite conservatrice et opposé au néolibéralisme. Son ouvrage, Le premier sexe, est un essai sur la prétendue féminisation de la société. Il fait son fonds de commerce sur une idéologie anti-mai 68 et réactionnaire.

Selon lui les femmes ont revendiquées la révolution sexuelle afin de devenir des hommes, dans leurs comportements et leurs manières de vire. Mais n’y étant pas parvenues, elles veulent transformer les hommes en femmes, d’où une fantasmatique féminisation de la société (on vivrait dans un monde quasi-matriarcal). Ajouté à cela un puissant discours homophobe où il considère « l’idéologie gay » comme étant l’un des principales facteurs de transformation des hommes en femmes.

Selon lui, les différences biologiques entre hommes et femmes sont insurmontables et l’on ne peut parler d’égalité mais de complémentarité. Il veut le retour à une société purement patriarcale, où l’homme est la figure dominante et toute puissante dont la sexualité agressive est revendiquée et les femmes cantonnées à leur rôle de mère et femme au foyer. Il rejette donc en bloc le féminisme, qui n’aurait apporté que des désagréments pour les hommes et oubli des valeurs viriles traditionnelles.

Alain Soral Alain Soral plaide aussi pour une féminisation de la société, mais avec une grille de lecture pseudo-marxiste. D’abord adhérent au PCF, puis au Front National, il a finalement fondé Égalité et Réconciliation, une organisation de gauche nationale au discours antisémite et négationniste (et donc en réalité nazi). Il se dit sociologue sans avoir jamais suivi de cours ni obtenu de diplôme mais utilise ce titre pour acquérir une autorité intellectuelle.

Selon lui, le féminisme bourgeois aurait volé le discours des femmes des milieux ouvriers. Il utilise une fausse distinction de classe pour faire croire à des revendications distinctes, niant les problèmes spécifiques tels que la contraception, l’avortement, le viol, les violences conjugales, la répartition des tâches…

Les féministes (bourgeoises) participent selon lui à la construction d’une société féminisée et comme chez Éric Zemmour, les différences biologiques sont le fondement de la catégorisation homme/femme (négation du conditionnement social). Les hommes sont naturellement plus musclés et forts et donc portés vers la violence, l’action, la chasse, tandis que les femmes sont des nées pour être femmes au foyer.

Il ajoute que le viol est une pathologie pure qui se caractérise par une grande violence (avec un couteau, à six dans un parking) mais que le reste est un acte ambigu qui tient à la « spécificité du désir féminin, qui avance masqué et se ment à lui-même » (la femme ne sait pas ce qu’elle veut, la majorité des viols sont des exagérations ou des désirs inavoués).

Roger Dadoun Roger Dadoun s’inscrit dans une logique différente, celle des « faux-amis ». De par ses fréquentations libertaires et de part son statut de prof de fac, tout porte à croire qu’il est « ami » des femmes et des féministes. Mais il utilise son pseudo-crédit intellectualo-gauchiste pour étaler sa répugnante idéologie masculiniste.

Pour cela, il fait semblant d’avancer masqué puisque son analyse ne se revendique pas ouvertement du masculinisme, contrairement à Zemmour ou Soral. Mais son article sur l’affaire DSK est clairement l’occasion d’une théorisation de son idéologie masculiniste. Il ne se contente plus de défendre les violeurs mais fait le même constat que les deux autres cités : une société de plus en plus féminisée (à cause des femmes bien sûr).

L’anarcho-patriarcat

La question d’un tel article dans un journal libertaire avec la plus grande audience et disponible dans presque tous les kiosques n’est une erreur de parution. Tout simplement parce que Roger Dadoun n’en est pas à son coup d’essai.

Sur son site internet ou dans le Monde Libertaire, il a déjà écrit plusieurs articles déplorables. Sur trois articles traitant de l’affaire DSK ou Polanski, il ne qualifie jamais les faits de viols, mais « d’acte ou relation sexuel-le ». Il discours beaucoup et sur tout (avec toujours un vocabulaire pornographique), mais jamais sur le viol en lui-même. Pour le nier, mais aussi parce qu’il n’a, en fait, rien à en dire. Selon lui, il n’y a pas eu viol, donc autant écrire sur autre chose (comme son article Anthropologie libertaire de la fellation).

Sa pensée s’affirme au fur et à mesure des articles. Pour Polanski, il s’était « contenté » de défendre un artiste tourmenté, marqué par le nazisme et le ghetto de Cracovie, puis rattrapé par une affaire de viol sur mineure. Pour l’affaire DSK, sa pensée nauséabonde s’est étoffée ; il ne défend plus seulement un violeur, il théorise et justifie le viol par une soi-disant féminisation de la société.

Un tel article dans les colonnes du Figaro serait problématique mais sans surprise. Dans celles du Monde Libertaire, cela pose la question de la place du féminisme au sein de la Fédération Anarchiste et plus largement du mouvement libertaire, mais aussi celle de la diffusion des idées masculinistes et donc de l’anarcho-patriarcat.

Une telle tribune n’est pas un acte isolé. Non seulement parce que Roger Dadoun a déjà publié ses immondices dans le Monde Libertaire, mais aussi parce qu’au sein du mouvement anarchiste, dans les organisations, groupes ou collectifs, le féminisme (comme l’antispécisme) n’est toujours pas considéré comme une lutte centrale et fondamentale. La théorisation et la justification du masculinisme ne peuvent être acceptées.

Le patriarcat est toujours considéré non seulement comme un système de domination moins important que le capitalisme ou que la mouvance fasciste, mais surtout, cette domination ne concerne pas les anarchistes ou libertaires. Ceux-ci seraient une catégories d’hommes extraordinaires, que le conditionnement sexiste n’aurait pas influencé (ni pendant l’enfance ni actuellement) et dont le genre se serait déconstruit par miracle.

Il est systématiquement plus facile de taper sur le sexisme de la droite, des flics, des patrons, de la religion, que de réfléchir à son propre comportement et à sa propre position socialement oppressive. Une idée persistante (bien que peu théorisée) est celle de l’effondrement du patriarcat en même temps que l’effondrement du capitalisme. C’est non seulement considérer qu’il faut reléguer le féminisme à une lutte de second rang, mais aussi qu’elle doit être englobée au sein de la lutte des classes et de la lutte anticapitaliste, niant toute la spécificité de l’anarcha-féminisme.

C’est aussi considérer que capitalisme et patriarcat sont deux dominations qui fonctionnent selon le même système avec les mêmes mécanismes et que leurs imbrications sont inter-dépendante (il suffirait de détruire le capitalisme pour détruire le patriarcat et chaque lutte contre le capitalisme est une lutte contre le patriarcat).

Le patriarcat n’a pas besoin du capitalisme pour survivre et exister.

Le féminisme n’est ni reconnu comme une lutte spécifique, ni pris au sérieux par les organisations bureaucratiques et tout le milieu (dit) anti-autoritaire. Les outils féministes sont systématiquement oubliés ou rejetés, que ce soit la féminisation des termes, la nécessité de la non-mixité, les problématiques de violence (physique, verbale, du viol, du harcèlement par des « camarades ») dans les milieux autogérés ou encore la contraception et l’avortement.

Le patriarcat existe dans tous les milieux, même ceux dits les plus autonomes et sa destruction doit être une priorité. Que ce soit dans les comportements, dans les textes et dans l’idéologie. On ne peut être anarchiste sans être féministe ou anti-patriarcale, car le nier, l’oublier, le refuser, c’est perpétuer son existence et donc perpétuer une domination.

http://coutoentrelesdents.over-blog.net ... 92749.html

MélusineCiredutemps
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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par MélusineCiredutemps » 26 mars 2013 2:24

L’assimilation viol/prostitution, une violence intolérable, vraiment ?


Depuis quelques semaines, je vois régulièrement passer dans ma TL des tweets s’insurgeant avec virulence de l’assimilation viol/prostitution. Ce seraient là des propos d’une violence intolérable qui démoliraient à eux tout seuls la valeur du consentement féminin, et qui plus est, stigmatiseraient gravement les putes et les femmes violées. (Ils dépeindraient les premières comme des irresponsables et amoindriraient les souffrances et violences vécues par les secondes.)

Je suppose que le retour de cette thématique dans le débat prostitution est étroitement lié à son arrivée au coeur des débats abolitionnistes.

Pour les abolitionnistes, l’assimilation viol/prostitution est pertinente, puisque dans le cadre de cette dernière, il s’agit d’imposer un rapport sexuel non désiré et consenti par le pouvoir de l’argent et l’exercice de la contrainte financière sur la prostituée.

La violence intolérable se situe-t-elle vraiment là ?

Les premières fois où j’ai été confrontée à la lecture de propos dénonçant l’intolérable violence de cette affirmation, j’ai ressenti quelque chose d’étrange. Je n’aurais pas tellement su mettre de mots dessus, mais j’avais comme un malaise, et surtout, je ne comprenais pas bien le problème.

Je suis moi-même pute, femme et violée (youhou, j’en ai une chance folle !), et pourtant je ne trouve pas cette affirmation violente, là où cela semble d’une évidence indiscutable pour beaucoup d’autres.

J’ai alors ressenti le besoin de réfléchir et de faire le point sur ces mots que je ressentais personnellement comme une violence un peu partout autour de moi.

L’exercice est difficile, car de la violence dans mes parages, il y en a un paquet. (Les pires n’étant d’ailleurs pas celles s’attaquant à mon "statut" de pute, mais à ma toxicomanie.) De la physique, de la verbale, de l’intentionnelle ou pas, celle que je me dirige toute seule ou celles que me dirigent les autres, et tout cela finit par former un espèce de bruit assourdissant duquel il est parfois très compliqué de comprendre exactement qui, que, quoi, comment, pourquoi.

Et finalement, j’en suis arrivée à la conclusion que les propos qui me heurtaient le plus étaient ceux qui niaient justement totalement la violence de ce que peut être un rapport sexuel effectué par dû.

Tous ces arguments censés défendre mes droits et mes libertés, du genre :
- Les putes proposent un service consenti, donc à partir d’un moment, je n’ai rien à en dire.
(=> Tu proposes tes services, donc voilà, assume. Tu t’engages à baiser, si tu le fais pas t’es vraiment pas une bonne commerçante. Et ouais nan, pourquoi ce serait problématique, c’est que du cul !)

- Les putes se prostituent par choix, je ne suis personne pour leur dire ce qu’elles ont à faire de leur vie.
(=> Cool. Enfin moi, personnellement, je ne suis pas intrinsèquement contre le fait qu’on me fasse remarquer que je vais me faire mal en fonçant dans un mur, et que si je veux, j’ai une main tendue là, pas loin. Non non, franchement, je vais pas me sentir gravement niée dans mes libertés individuelles.)

- Les putes qui chouinent que ce qu’elles font c’est dur/violent, bah elles ont qu’à arrêter : on a toujours le choix dans la vie.
(=> Sans commentaire.)

- Les putes qui chouinent que ce qu’elles font c’est dur et violent sont des opportunistes qui veulent profiter des associations qui sont trop gentilles et se font berner par des feignasses.
(=> Oui parce qu’en fait, se prostituer c’est cool, lucratif, pas fatiguant et pas violent, bref, un truc de feignasses par excellence !)

- On peut tout autant choisir d’être pute que secrétaire ou prof de maths, je ne vois pas le problème.
(=> Ha bon ? Moi j’en vois un à ce qu’on trouve absolument normal de se retrouver dans des situations telles qu’envisager la prostitution soit aussi banal qu’envisager de devenir secrétaire ou prof de maths. Tout simplement car, pardon pour le trop plein de moralité judéo-chrétienne, le cul c’est pas rien.

Contrairement à une idée qui se répand de plus en plus, les actes sexuels ne sont pas anodins, ils laissent des marques, parfois pendant longtemps, et ce serait pas mal qu’on éduque un peu plus les gens – en particulier les hommes – à pas trop déconner avec ça. Mais bon, je dois être coincée, je vois pas autre chose.)

- On peut toujours dire non, stop, partir et rendre l’argent.
(=>Prostituez-vous un mois et on en reparle. Nan parce que, entre les fois où le produit de la prestation est essentiel à votre survie, les fois où ça commence à déraper alors que vous avez déjà été pénétrée, les fois où vous vous savez face à un client très influent sur internet, dire non, stop et se barrer en rendant l’argent (‘tention, faut pas déconner quand même, on est prestataires de service hein, donc normal, le client est roi !), c’est pas si évident. Pas impossible, bien sûr - je l’ai déjà fait moi-même -, mais pas si évident.)

- ETC.

Ça c’est putain de violent.

Cette surdité entretenue, cette indifférence, cette responsabilisation, cette normalisation de ce que je (et plein d’autres) vis(vent), c’est pire, tellement pire, qu’une surestimation de la violence prostitutionnelle.

Parce que bon, effectivement, assimiler de façon systématique le viol et la prostitution est peut-être un peu surestimé.

M’enfin, c’est quand même étrange que toutes les putes soient d’accord pour dire que l’important c’est que « ça dure le moins longtemps possible », ou encore qu’elles se réjouissent de l’existence de ces mythiques clients qui ne viendraient que pour parler.

Dernièrement, en faisant un tour sur le forum prostitution de Doctissimo (le haut du panier des forums comiques du net, ça vaut le coup d’oeil), une jeune fille a déclenché l’hilarité de plusieurs putes en exprimant clairement qu’en gros, elle voulait connaître toutes les combines possibles pour ne PAS baiser en se prostituant. « On en est toutes là », s’est elle vu répondre.

Oui c’est vrai, on en est toutes là.

Tout simplement parce que baiser par dû, c’est violent, pénible et écoeurant. Sur le moment il y a tellement d’autres choses sur lesquelles se concentrer qu’on ne se rend pas forcément compte du caractère violent de ce qu’on est en train de vivre.

Il faut rester aux aguets et surveiller son argent et ses affaires, les capotes du client, le temps qui s’écoule, le comportement du type, ce genre de trucs.

Mais a posteriori, ça laisse parfois un goût bien amer de repenser à certaines « prestations de service ». Ce goût qui tord les tripes et qu’on se sent illégitime de ressentir, parce que bon, on était là, c’était notre choix, faut assumer...

Étrange comme ça me rappelle quelque chose.

Les grandes absentes...

Et puis comme d’habitude dans cette histoire, il y a ces grandes absentes, celles dont on ne parle jamais parce que bon, on est tous bien d’accord sur cette question alors c’est pas la peine hein.

Les putes forcées, macquées, en réseaux, appelons ça comme on le voudra. On accuse souvent les abolitionnistes d’avoir l’esprit fermé, mais ne débattre qu’au sujet de la prostitution considérée libre et choisie, qu’est-ce que c’est sinon une belle grosse paire d’oeillères ?

Qu’est-ce que la prostitution pour ces femmes-là sinon du viol rémunéré ? Comment peut-on s’insurger de l’intolérable violence de l’assimilation viol/prostitution sans prendre ce problème en considération rien qu’une seconde ?

Inversion des priorités...

Ce qui est tout de même étrange dans ce « débat », c’est justement cette inversion des priorités.

On s’esclaffe de la violence (contradiction = violence ?) que pourraient représenter certains propos sur une minorité avant de penser à ce qu’ils dénoncent pour la majorité.

On s’insurge au nom des quelques-unes qui vivraient leur prostitution comme un épanouissement, voire un amusement (je veux bien qu’on m’en présente, mais pour de vrai hein, pas des qui une fois qu’elles sont en privé confient des trucs épouvantables), sans considérer celles pour qui c’est une répétition de violences et de traumatismes à retardement, et encore moins de celles qui sont forcées.

On s’inquiète pour les clients, les pauvres, qui se retrouvent stigmatisés par de tels propos, alors qu’il faut les comprendre, la misère sexuelle c’est si triste.

Et finalement, on ferme les yeux, on normalise, et on devient sourd.

Non vraiment, l’intolérable violence n’est pas celle que l’on croit.

Salomée Miroir

http://sisyphe.org/spip.php?article4365

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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par MélusineCiredutemps » 26 mars 2013 2:25

Rebecca Mott, survivante et écrivaine

"Je suis une écrivaine britannique, survivante d’abus sexuels dans l’enfance et de la prostitution. Une partie de la maltraitance que m’a infligée mon beau-père durant mon enfance a été la violence psychologique de me faire regarder de la pornographie hyperviolente. Combinées à la violence sexuelle qu’il m’infligeait, ces images me faisaient ressentir que je n’avais d’autre valeur que celle de servir d’objet sexuel à un homme et que le sexe était toujours associé à la violence et à la douleur. À 14 ans, je suis tombée dans la prostitution et elle était extrêmement sadique. Je ne m’en suis pas détournée pas car j’éprouvais trop de haine de moi-même pour y reconnaître de la violence et du viol - j’avais l’impression que c’était tout ce que je méritais. J’ai fait de la prostitution entre l’âge de 14 ans à 27 ans et, la majorité du temps, les hommes qui m’achetaient tenaient à m’infliger des rapports sexuels très sadiques. Je me suis habituée à des viols collectifs, du sexe oral et anal violent, et au fait de devoir jouer des scènes de porno dure - cela devint mon existence. J’ai failli être tuée à plusieurs reprises, et fait beaucoup de tentatives de suicide, mais j’ai survécu. Quand j’ai réussi à quitter le milieu, j’ai effacé durant 10 ans la plupart de mes expériences. Ce n’est qu’après avoir dépassé le souvenir des violences de mon beau-père que j’ai trouvé l’espace mental pour me souvenir. Se souvenir de la prostitution est terrible, et je souffre d’un lourd syndrome de stress post-traumatique (SSPT). J’ai créé mon blog pour explorer mon SSPT à titre de survivante à la prostitution, pour réclamer l’abolition du commerce du sexe et pour faire état des conditions terribles de la prostitution vécue à l’intérieur. J’essaie d’écrire de la prose poétique, mais je crois que mon travail est de nature politique."

http://sisyphe.org/spip.php?auteur1258

Et d'autres textes écrits par des prostituées et survivantes :

http://sisyphe.org/spip.php?rubrique95

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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par MélusineCiredutemps » 26 mars 2013 2:31

Ce soir, plus jamais !

Les extraits sont tirés du livre « Putain » de Nelly Arcan, édition Points/2001.
Nelly Arcan est née en 1975 au Québec. Elle a vécu à Montréal où elle a été prostituée pendant plusieurs années dans une «agence» comme celle de Dominique Alderweirel . Son livre relate les violences sexuelles incestueuses qu’elle a subies enfant ainsi que de son «expérience » en tant que prostituée. Elle s’est suicidée en septembre 2009 à 36 ans.

(…) Et quelque fois, je dois le faire une deuxième fois, de préférence une sodomie, alors on me caresse pour me préparer, du bout des doigts ou avec la langue, et je ne peux que céder car ni la perspective de la douleur ni celle du dégoût ne saurait renverser chez eux la certitude du plaisir que j’y trouve, et je dis non et ils disent j’y vais doucement, tu verras, ça fait du bien, mais oui c’est vrai, ça fait du bien, ça fait mal doucement, et que vaut cette douleur à coté de leur joie, qu’est ce qu’avoir mal lorsqu’on est moi, qu’est ce que vouloir, penser ou décider lorsqu’on est pendue à tous les coups, à toutes les queues, les pieds dans le vide, le corps emporté par cette force qui me fais
vivre et qui me tue à la fois (…) - « Putain », Nelly Arcan[1]
« Filles de joie » : On y croirait presque ce 11 décembre, à regarder « Ce soir ou jamais », cette émission toute rose comme un bonbon. L’animateur Frédéric Taddéï a invité le proxénète Dominique Alderweireld (qu’il appelle « Dodo la saumure »), à une petite causerie intime en face à face, entre amis. Avant, on a pu entendre - entre autres - Jacques Attali vanter le « bonheur de penser », Corine Maier faire la publicité de son dernier livre, « le manuel du parfait arriviste », et Mathieu Laine présenter le « Dictionnaire du libéralisme ». Cerveaux lavés, essorés, oxymorés, préparés, n’en jetez plus, place à une autre entreprise de propagande : la réhabilitation du proxénétisme et de l’esclavagisme sexuel des femmes par les hommes. La valorisation du viol organisé. La préparation du retour sur la scène politique de Dominique Strauss Khan un jour prochain, soyons-en sûres.
« Filles de joies », « Maison du plaisir »… alors s’ils le disent… : Et si c’était ça la liberté de penser ? Et si le proxénétisme c’était juste une activité économique libérale, comme une autre ? Ce Dominique Alderweireld, il a l’air gentil. Et puis c’est Frédéric Taddéï qui le dit en le présentant : « Vous n’avez pas été inquiété dans cette affaire[2], vous n’êtes pas inculpé ». On dirait un papi, un peu gras et chauve. Il ne fait pas peur « Dodo », on voit même des cadrages de caméra montrant ses grosses mains pataudes et la sueur sur son front.
Mais de quoi parlent-ils tous les deux, assis à ce bar avec leurs coupes de champagne ?
« Oui la vie m’a traversé, je n’ai pas rêvé, ces hommes, des milliers, dans ma bouche, je n’ai rien inventé de leur sperme sur moi, sur ma figure, dans mes yeux, j’ai tout vu et ça continue encore, tous les jours ou presque, des bouts d’homme, leur queue seulement, des bouts de queue qui s’émeuvent pour je ne sais quoi car ce n’est pas de moi qu’ils bandent, ça n’a jamais été de moi, c’est de ma putasserie, du fait que je suis là pour les sucer, les sucer encore, ces queues qui s’enfilent les unes aux autres comme si j’allais les vider sans retour (…) tandis qu’ils s’affolent dans les draps en faisant apparaître ça et là un visage grimaçant, des mamelons durcis, une fente trempée et agitée de spasmes, tandis qu’ils tentent de croire que ces bouts de femme leur sont destinés et qu’ils sont les seuls à savoir les faire parler, les seuls à pouvoir les faire plier sous le désir qu’ils ont de les voir plier ». P.19
« On a l’impression que c’est un métier comme les autres, de commerçants, c’est comme si vous teniez un salon de coiffure » F.Taddéï.
Et oui, un « salon de coiffure ». Et si Frédéric Taddéï peut comparer le fait de tirer des bénéfices de la location d’un sexe au profit d’un tiers, à un salon de coiffure, c’est qu’il n’a jamais mis les pieds dans un salon de coiffure ou… qu’il ment effrontément. Forcément.
Mais ce soir, le négatif est le positif. Le blanc c’est le noir, la guerre c’est la paix. Ce qu’il s’est passé ce mardi soir est d’une gravité sans nom. Plus qu’un mensonge ou une litanie de stéréotypes dont les médias nous habituent, ce moment télévisuel était un simulacre de discussion, une théorie, organisée et construite exclusivement autour de la promotion, de la banalisation du viol et de la domination masculine. On a assisté à une véritable inversion des repères, un brouillage méthodique de la raison. Jugez plutôt.

1- Masquer le réel : Pas une seule fois, l’animateur ne précise en quoi consiste le fait de prostituer une personne. Cela n’est jamais expliqué. «En Belgique c’est autorisé», en France « c’est interdit ». «C’est», c’est quoi ?
L’animateur - qu’il faut s’interdire d’appeler journaliste - fait siens des mots du proxénète : « dans un établissement comme le vôtre », «Maison de joie», «votre métier », «votre profession», «activité économique», «call-girl de lux», «bon proxénète», «salon de coiffure», «commerce», «agent de mannequin», «maison de tolérance» etc. Succession indécente d’euphémismes frisant la folie. Ne pas expliquer ce qu’est la prostitution, ne pas utiliser une seule fois les mots fellation, pénétration, sodomie, sexe, sperme, poils, peau, douleur, vagin, anus, bouche, sang, violence, c’est laisser chacune avec sa propre représentation, voire son fantasme personnel de ce qu’est la prostitution. Ce déni de réalité permet aux agent-es de la propagande règlementariste dont font partie - Alderweireld et Taddéï- de pouvoir affirmer qu’il est préférable de se prostituer que de travailler à la chaine. Quelle différence puisque justement on n’explique pas la différence ?
À travers cette assertion bien rodée et récurrente (avec quelques variantes comme charpentier, œnologue (si si), caissière), les personnes militant pour la réglementation (et donc la légitimation ) de la prostitution la présentent comme un banal métier certes douloureux et pénible, mais ça arrive à tout le monde, regardez les travailleurs à la chaine. Alors c’est bien, c’est normal. C’est comme ça. D’ailleurs, le public lui non plus il ne dit rien. Régulièrement, on voit des gros plans d’hommes et de femmes dans le public, des gens comme nous, qui écoutent bien sérieusement «Dodo». Ils n’ont pas l’air offusqué non. Il y a même une femme qui sourit un peu. Une femme en plus ! C’est donc que
tout est normal, pas de raison de s’énerver.
« Et il suffit de (…) deux ou trois clients pour comprendre que voilà, c’est fini, que la vie ne sera plus jamais ce qu’elle était, il a suffit d’une seule fois pour me trouver prise dans la répétition de la queue dressée sur laquelle je butte encore, ici dans cette chambre, le petit soldat mécanique qui n’a pas la notion des murs, qui continue sa marche vers la mort même tombé de côté, (…) les larmes sans tristesse qui glissent sur les queues qui fouillent ma gorge, dans l’attente de l’orgasme et même après, dans l’âpreté du sperme ». P .22

2- Inverser la réalité : « Les filles sont des électrons-libres » : D. Alderweireld . La liberté d’être violée. Elles sont responsables puisqu’elles sont libres de se prostituer ou non. Voilà ce que sous-entendent Taddéï et Alderweireld.
« Ce sont les femmes qui initient le souteneur » dit le proxénète.
« Si on vous entend, on a l’impression que chez vous, c’est elles qui commandent, elles viennent quand elles veulent, elles font ce qu’elles veulent », explique l’animateur qui préfère les « impressions » aux questions.
«J’en dépends économiquement, je suis obligé de me soumettre » dit le proxénète.
« Vous dépendez plus d’elles, qu’elles ne dépendent de vous » dit l’animateur
«Ha certainement !» dit le proxénète.
Le «patron» soumis et dépendant de ses «salariées» qui font ce qu’elles veulent, c’est bien la seule fois qu’on nous fait ce coup là ! Ainsi faudrait-il voir la prostitution non seulement comme un travail, mais aussi comme un domaine où tous les rapports sociaux et hiérarchiques sont inversés !
« De toute façon, la fille vient chez nous, elle essaye (quoi ? des vêtements ?) et si ça convient pas, elle repart » dit le proxénète. Magique ! La période d’essai est aussi à l’avantage de la prostituée !

3- Troubler les repères : « Je préfère le terme de souteneur, car je soutiens les femmes. Elles ont besoin de soutien moral, c’est un métier marginal, il y a beaucoup de contraintes, donc elles ont besoin d’alter égo, qui puisse les comprendre, les aider (…) il faut quelqu’un qui les fasse un peu rêver » dit le proxénète gras, chauve et suant.
Ainsi le proxénète qui met à disposition des autres, le vagin, l’anus et la bouche des femmes et qui en tire profit, est un ami, un confident, un charmeur. Non, non, pas un proxénète, un charmeur on vous dit. « Dodo » est un charmeur de serpent qui, avec son acolyte Frédo essaie de nous endormir avec sa petite musique patriarcale.

4- Essentialiser/justifier la violence à l’encontre des femmes : « Et de raconter ces une, deux, trois mille fois où des hommes m’ont prise ne peut se faire que dans la perte et non l’accumulation, d’ailleurs vous les connaissez déjà, les cent vingt jours de Sodome, vous les avez lus sans avoir pu tenir jusqu’à la fin, et sachez que moi j’en suis à la cent vingt et unième journée, tout à été fait dans les règles et ça continue toujours, cent vingt-deux, cent vingt-trois (…). P .26
« C’est une profession naturelle, il y a un besoin » dit le proxénète féru de Grèce antique, puisqu’il se plait même à évoquer l’épouse de Périclès afin de nous prouver que la prostitution existe depuis le 5ème siècle avant JC.
On la connaît la chanson. Elle est si fatigante qu’il est éreintant de répéter inlassablement les mêmes choses, toujours… Le fait que la prostitution existe depuis trop longtemps, n’est pas une raison pour l’accepter. Le lien de cause à effet n’existe pas. Les meurtres existent depuis toujours, pourtant ils sont interdits. Il n’y a pas d’immanence de la violence, les femmes ne doivent pas être à jamais assujetties à la violence des hommes. On peut décréter et lutter pour le contraire. C’est même une condition de survie et de santé mentale.

5- Libéraliser la domination masculine : « Je touche 50 % du brut, ça me laisse 20 %, je paye l’électricité, la TVA, enfin tout ça… (…) À l’époque, il existait des placeurs, des impresarios qui plaçaient les filles en France et à l’outremer » dit le proxénète.
« ah, des souteneurs, mais à l’exportation » dit l’animateur
« Non pas à l’exportation, à l’importation ».
Import, export, TVA, frais fixes… puisqu’on vous dit que le proxénétisme est un métier comme les autres !
« Et puis baiser, moi sur le dessus et enfin en petit chien, voilà ce que je préfère car il n’y a que les sexes qui se touchent, je peux grimacer comme je l’entends, pleurer un peu aussi et même jouir sans que ça se sache, et tout doit être fait, six, sept, huit fois de suite avec six, sept, huit clients différents et après c’est entendu, je peux m’en aller et m’en aller où pensez-vous, chez moi, eh bien non car je ne veux pas rentrer chez moi, je veux seulement mourir au plus vite ». P.27

6- Faire peur avec un état sécuritaire : À la fin, Taddéï commence à s’inquiéter :
« N’importe qui organise une cérémonie d’enterrement de vie de garçon peut devenir proxénète ?
(…) même celui qui ne sait pas qu’il a à faire à des prostituées ? (…) « Tous ceux qui enterrent leur vie de garçon sont des proxénètes ?»
À quoi ressemble la vie de Monsieur Taddéï, qui n’imagine pas qu’un enterrement de vie de garçon peut se passer de prostituées ? Pensez donc, tous ces innocents croyant s’amuser entre amis parce qu’il est de tradition de payer une femme pour avoir accès à son sexe et à son anus, la veille de s’unir avec une autre femme « pour toute la vie ». Une bonne excuse pour un viol entre amis.
La peur d’un état répressif et sécuritaire est perpétuellement avancé par les règlementaristes qui font même croire que la masturbation deviendrait interdite, qu’un taxi transportant une seule fois un client ou qu’un pharmacien vendant des préservatif à un client de prostituées, pourrait être condamnés à 10 ans de réclusion. Si un état qui condamne réellement à hauteur des crimes, ne peut se concevoir sans une réelle politique d’information, de sensibilisation et d’aide aux victimes, à l’inverse : une politique d’information, de sensibilisation et d’aide aux victimes n’est opérante que si les auteurs de violences sont fermement condamnés. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est les deux en même temps ou rien du tout. Et rien du tout, c’est maintenant.
« Le supplice de la goutte d’eau qui frappe obstinément le même point au milieu du crâne, vous ne pouvez pas savoir ce que c’est que tous ces hommes qui ne veulent pas penser qu’il y a une limite à ce qu’une femme peut donner et recevoir, ils restent sourds à ce qu’elle ait une fin (…) ils ne comprennent pas que ce commerce n’est possible que grâce à un pacte sur la vérité qu’il ne faut surtout pas dire et qu’il faut croire ailleurs, quelque part dans l’illusion. » P.48
Ce pacte sur la vérité, cette illusion que dénonce Nelly Arcan dans son livre « Putain », Frédéric Taddéï et le proxénète Dominique Alderweireld, l’entretiennent consciemment avec le cynisme outrancier des gens qui ont le pouvoir et qui se protègent entre eux.
C’est une machine de guerre qui s’est déployée contre nous les femmes, ce soir là comme tous les jours, mais dans le public, personne n’a bougé. Pourtant l’émission était en direct. Tout était possible. Il y avait de quoi soulever toute l’assemblée. Les gens auraient pu quitter le studio. Les femmes auraient pu interpeller le proxénète et l’animateur. Elles se seraient levées, accompagnées des hommes et c’est à une véritable bagarre qu’on aurait pu assister. Rokhaya Diallo présente sur le plateau - si investie dans la lutte contre le racisme et le sexisme - aurait pu se lever et les interrompre. Elle leur aurait demandé pourquoi la majorité des femmes prostituées - comme Nelly Arcan - ont subies des violences sexuelles dans leur enfance ? Elle aurait été soutenue par Paul Ariès, politologue qui venait parler de la pauvreté. Il aurait pu dire combien la pauvreté est un facteur déclenchant et déterminant chez les personnes prostituées. Tous auraient pu boycotter l’émission. Affirmer officiellement leur désaccord qu’un tel discours puisse se tenir sur une grande chaine nationale du « service » public. Rien n’a bougé. Rokhaya s’est contentée de grimacer, Paul Ariès avait un sourire inexpressif et les gens dans le public ressemblaient à des pantins de cire, sans âme. C’était pourtant une question de dignité.
« Parfois lorsque je suis seule ici et que rien ne se passe, je reste immobile dans le lit en écoutant le bruit de la vie qui s’anime dans l’immeuble, des casseroles qui s’entrechoquent dans la cuisine du voisin, des chasses d’eau provenant d’un lieu indéterminé, de quelque part en bas à gauche, j’écoute le trafic et les klaxons sur Doctor Penfield en prenant conscience qu’il n’est pas possible qu’on ne m’entende pas, la voix d’une femme qui jouit peut percer tous les murs, se rendre jusqu’au lobby, ma voix doit se rendre dans la rue pour se perdre dans la cacophonie urbaine, pour mourir entre deux klaxons, et dans la certitude d’être entendue par la vie qui s’anime autour je m’exerce à parler de tout haut comme le font les gens fous, je parle de tout et de rien sans m’interrompre pour qu’il n’y ai pas de trous entre les mots, pour que ça ressemble à une prière, et il faut que les mots défilent les uns sur les autres pour ne laisser aucune place à ce qui ne viendrait pas de moi (…) je m’adresse à ce qui se tient ici en sachant que ça ne sert à rien, qu’à parler sans arrêt, ça ne sert à rien, mais il faut s’entêter pour ne pas mourir sur le coup d’un silence trop subi, tout dire plusieurs fois de suite et surtout ne pas avoir peur de se répéter, deux ou trois idées suffisent pour remplir une seule tête, pour orienter toute une vie ». P.65.

Dominique Alderweireld quant à lui, a été condamné en juin 2012 en Belgique à 5 ans de prison avec sursis pour ses activités de proxénétisme à la frontière franco-belge. Ce dernier a été reconnu coupable de diriger une organisation criminelle spécialisée dans la prostitution et d'avoir abusé de la vulnérabilité de deux des prostituées qu'il employait. Il a été également reconnu coupable d'avoir consommé et fourni de la cocaïne aux femmes prostituées, d'avoir commis des faux pour masquer la véritable activité de celles-ci, et d'avoir blanchi ses revenus.

Sophie Péchau - Présidente de l'AVFT

Notes :
[1] P. 22. Tous les autres extraits sont tirés de ce même livre : « Putain » de Nelly Arcan Edition Points/septembre 2009
[2] L’affaire dont parle Taddéi sans l’expliquer concerne la mise en examen de Dominique Strauss Khan pour viols en réunion et proxénétisme à l’hôtel du Carlton de Lille, auquel Dominique Alderweireld aurait participé en étant le proxénète des prostituées « livrées » à DSK.

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Re: Préjugés, sexisme: combat permanent

Message par MélusineCiredutemps » 26 mars 2013 2:33

Quelques articles sur la GPA pour savoir de quoi il s'agit :

http://www.scoop.it/t/prostitution-uter ... nd-english

Et une pétition "Féministes pour l'égalité et contre la Gestation Pour Autrui"

http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions ... our-autrui

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