Tract écrit pendant un été montpelliérain quelconque – le vide total quoi
Notre « petit bonheur », cette certaine « qualité de vie » – qui n’est en fait qu’une survie quantitativement améliorée, réservée à des privilégiés – est un moment de la gestion mortifère de la vie réduite à la production, la consommation… l’économie. La mort subtilement diffusée nous maintient en vie juste assez pour que nous la supportions, pour que nous acceptions de mourir constamment, bref pour nous empêcher de vouloir vivre vraiment, entièrement, sans réserve, sans barreaux.
Où se cache la douleur? « Où se crient les cris? »
Tout est enfouis. Tout se tait. Le bruit des machines, le rire des pantins, la fête divertissante… la dictature du silence étouffe les hurlements de nos entrailles, plonge dans l’oubli le plus profond les souffrances de nos corps. Mais ce n’est pas parce qu’ ON arrive de mieux en mieux à rendre la misère invisible qu’elle n’existe plus. Au contraire, le caractère de plus en plus impalpable de notre misère économique, psychologique, sociale, sexuelle, intellectuelle… nous y enferme encore plus. En nous empêchant de prendre conscience de notre mutilation (je dirais même de notre non-existence, notre existence en tant que rien) ceux que nous laissons nous organiser à notre place nous coupent toute possibilité d’imaginer autre chose que le capitalisme. En décrédibilisant complètement toute pensée utopique, toute négativité, tout ce qui tend à transcender ce qui est, donc en stérilisant la pensée dans un positivisme absolu, ils coupent les jambes de la révolte et ferment les dernières portes. Notre misère, nos douleurs et blessures, cachées à l’intérieur, coupées de leur expression, vendues sous forme spectaculaire, éloignées dans une représentation… tout ces sentiments qui ne peuvent être vécues réellement s’accumulent, frustrés, au fin fond de notre inconscient, se détachent de leurs sens, des désirs qui n’ont pas pu s’exprimer, et se transforment en violence tordu, perverse, uniquement destructrice, tourné contre soi et contre les autres, en angoisse paralysante, ou encore en détresse et dépression. Quand le masque faiblit ce sont d’abord les tendances fascistes, et les nihilismes passifs qui surgissent. Quand le mascara coule, les démons apparaissent, mais les désirs profonds, la beauté révoltée donc non-normée, la volonté de vivre, tout ça reste étouffé par la laideur des frustrations inexprimées qui explose alors. Et même si dans ces explosions violentes la misère redevient plus visible, les masses de pestiférées émotionnels n’ont jamais les moyens d’en identifier les causes, ni bien-sûr d’attaquer ces dernières.
CRIEZ! PLEUREZ! BRÛLEZ! COMMENCEZ À RÉFLÉCHIR!
LAISSEZ LA DOULEUR S’EXPRIMER. ESSAYEZ DE LA COMPRENDRE. ATTAQUEZ LES CADRES QUI VOUS ENFERMENT. COMMENCEZ A VIVRE VOTRE SOUFFRANCE POUR EN ATTAQUER LES CAUSES!
Essayez d’écouter ce que votre corps a à vous dire. Brisez l’isolement, dépassez la communication des objets, apprenez à vous parler… Luttez sans espoir, sans attendre de victoire.
Bien sûr que j’aimerais bien qu’il y ait la révolution, mais je me bats indépendamment de la possibilité ou de l’impossibilité de la réussite. Je sais que l’insurrection ne vient pas mais cette fausse vie est si insupportable quand on en a conscience que je me débats par tous les moyens qui me restent encore (si ridicules qu’ils soient). Ma génération s’est construite sur l’échec des mouvements révolutionnaires des précédentes et sur les déceptions que cela a engendré. Il nous faut maintenant apprendre à nous battre sans espoir, désillusionné, sans nous laisser décourager par l’échec, le désespoir, et l’impuissance auxquels nous sommes constamment confrontés. Saisissez vous des armes intellectuelles grâce auxquelles vos armes matérielles mortifères se retourneront contre les chefs et deviendront des armes de la vie.
LISEZ, DÉBATTEZ, ÉCRIVEZ, POUR QUE VOS MARTEAUX, VOS BUREAUX, VOS MITRAILLETTES SE TRANSFORMENT ENFIN EN INSTRUMENTS RÉVOLUTIONNAIRES DE LA PASSION ET DE LA VIE EN DÉTRUISANT LA SOCIÉTÉ QUI LES A CRÉÉES.
Un cri muet de désespoir qui a conscience de lui-même est beau dans et malgré son impuissance. C’est un signe de vie qui se dresse face à la dictature de l’esthétique autoritaire et son calme violent.
CiZiF …
Fraction Bras Cassés