Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par niap » 09 mai 2019 13:10

Rencontre avec Valérie Rey-Robert

Rencontre à la librairie Terra Nova avec Valérie Rey-Robert autour de son livre Une culture du viol à la française, paru aux éditions Libertalia.

Dans cet essai, l’autrice analyse et définit les violences sexuelles, déboulonne toutes nos idées reçues et bat en brèche l’argumentaire déresponsabilisant les violeurs. Elle insiste sur les spécificités hexagonales du concept de « culture du viol », démythifie le patrimoine littéraire et artistique, et démontre, point par point, qu’il est possible de déconstruire les stéréotypes de genre et d’éduquer les hommes à ne pas violer.

Vu ici: https://iaata.info/Rencontre-avec-Valer ... -3363.html
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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par kolonel muller » 09 mai 2019 20:29

abFab a écrit :
08 mai 2019 19:51
Si tu discute cinéma avec un black qui te dit que ce film là, il est raciste... tu vas lui tenir tête en lui expliquant que non ce film il peut pas être raciste parce que ceci ou cela ? Que "non c'est pas un acte raciste" cette séquence ?
Tu vas expliquer à un racisé qu'un film est pas raciste ?
Ouais, moi je le ferais sans problème ... Déjà la personne elle ne parle qu'en son nom, ce n'est que son avis, un avis parmi d'autres ... Elle a beau connaître le problème de façon intime, jusque dans sa chair, d'autres, dans la même situation que cette personne, auront une vision des choses radicalement différente ...
Quand je vivais à l'étranger, il m'est arrivé d'être blessé par des comportements, des remarques, d'avoir le sentiment d'avoir été victime de xénophobie ... Et puis quand je racontais cette histoire à d'autres étrangers, certains riaient, disaient que j'avais mal interprété les propos, la scène, que c'était juste de la maladresse ... Bref ... Un avis contre un autre ... L'inverse aussi s'est présenté ...
Tu ne t'es jamais trouvé en face de gens complètement allumés, qui crient au racisme, à la discrimination, alors que le problème vient avant tout d'eux, de leur état d'esprit, de leur vision du monde ? Toutes les pourritures qui adhèrent aux thèses des salafistes, toutes les ordures et les paumés qui sont partis combattre dans les rangs de l'Etat Nazislamique professent à qui veut bien les écouter que la France ( et quand ils disent France ils pensent à toi, à moi, aux copines ... ) les rejette ... Et parce qu'on est des " blancs ", des ( salopards de ) privilégiés de la " race " ( ah je vais gerber ! ) des colons, on devrait s'écraser, se taire ? Je prends des cas extrêmes pour bien me faire comprendre, mais cela pourrait fonctionner avec des situations plus nuancées ...
...
Pour le viol c'est différent je pense, mais sur ce forum on a déjà eu le cas, d'une histoire qui était présentée comme un viol par un punk ... Si mes souvenirs sont bons, plusieurs filles sont venues dire qu'elles pensaient que ça n'en était pas un ... Tu dois t'en souvenir je pense. La souffrance de la jeune femme était bien réelle, et c'était cela le plus terrible. Mais nous avions été nombreux à dire qu'au vu de son récit ce n'était pas un viol.
...
Concernant les VALSEUSES, il ne faut pas oublier que des femmes aussi apprécient ce film ... J'en connais au moins une, une copine, active dans la cène, dans notre scène, pour qui c'est un film culte ... Donc ? Qui écouter ?
Cela dit, il y a tout de même une partie de ton intervention avec laquelle je suis totalement d'accord : les arguments de Norma, qui a fait preuve de beaucoup de patience, on est bien d'accords, m'ont beaucoup touché, et je crois que tu as raison quand tu dis qu'en tant que mecs il faut sérieusement s'interroger sur les raisons pour lesquelles on a vu ce film sans s'apercevoir de ce dont Norma a causé. Il y a 15 jours encore, j'aurais cité ce film que je n'ai pas revu depuis 20 ans, comme un de mes films français favoris, mais là, je crois qu'il faut que je le re-regarde et que je me pose des questions ... :-?
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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par mètre kanter » 09 mai 2019 22:43

kolonel muller a écrit :
09 mai 2019 20:29
[
Pour le viol c'est différent je pense, mais sur ce forum on a déjà eu le cas, d'une histoire qui était présentée comme un viol par un punk ... Si mes souvenirs sont bons, plusieurs filles sont venues dire qu'elles pensaient que ça n'en était pas un ... Tu dois t'en souvenir je pense. La souffrance de la jeune femme était bien réelle, et c'était cela le plus terrible. Mais nous avions été nombreux à dire qu'au vu de son récit ce n'était pas un viol.
...
"c'est différent je pense, mais"
Ouf ! Bon esprit ta comparaison ! « plusieurs filles » « du forum » sont venues dire qu'un viol, ressenti comme un viol par la victime du viol, donc, ont « pensé que ça n'en était pas un », la belle affaire. Si elles ont pu l'écrire, ça doit être vrai...
Parlons-nous des mêmes « filles », visées par ricochet par ce billet ?
https://combiendefois4ans.wordpress.com ... ot-pourri/
Tu auras relevé qu'à la même époque, ce témoignage « présenté comme un viol par un punk ... Si mes souvenirs sont bons, plusieurs filles sont venues dire qu'elles pensaient que ça n'en était pas un », a été mis en ligne sur un forum féministe, où étrangement, les
réactions – tout aussi féminines donc, parlons bassement « genre » – étaient quand même moins mesurées, ce qui est bien le moins. Tes souvenirs sont bons ? Ensuite, il est fort probable que ces horribles féministes anonymes ne connaissaient pas le protagoniste, à la différence des « filles » du « forum » dont tu parles, qui ont « pensé » que ce « viol » n'en « était pas un ».

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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par kolonel muller » 10 mai 2019 5:51

mètre kanter a écrit :
09 mai 2019 22:43
« plusieurs filles » « du forum » sont venues dire qu'un viol, ressenti comme un viol par la victime du viol, donc, ont « pensé que ça n'en était pas un », la belle affaire. Si elles ont pu l'écrire, ça doit être vrai...
ouais, si on commence à déformer les propos des uns et des autres et à ne comprendre que ce qui nous arrange, on va avancer, t'as raison ... :lecture:
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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par Norma Bates » 10 mai 2019 9:49

Sur un sujet complexe discuté longuement à l'époque, on ne peut pas restreindre les propos à une dualité où il y aurait eu d'un côté celleux qui pensaient que "non" et de l'autre celleux qui pensaient que "si". Les pensées avaient évolué au fil de la discussion. On ne peut pas non plus réduire à des affinités supposées, donc possiblement fausses, entre les un-e-s et les autres. Il y avait eu dénonciation et description publique d'un fait, via différents canaux. Et deux personnes ayant vécu ce fait qui avaient pris la parole pour en parler. Peut-être aurait-il mieux valu écouter et se taire. Mais il y avait aussi le souci d'essayer de comprendre, à quel moment peut commencer un viol et pourquoi, selon quels mécanismes. Comment cela serait accueilli à ce jour? très certainement différemment, on peut espérer mieux notamment en centrant sur la question de consentement, qui était un point crucial. Je pense qu'il y a surtout eu un manquement au niveau de l'écoute du ressenti. Pour ma part, je ne suis pas fière d'avoir tardé à montrer de l'empathie, et encore, vraiment pas assez. Je ne vais donc parler qu'en mon nom.

Quand j'avais 17 ans, un soir j'avais un peu trop bu, un garçon avec qui je "sortais" plus ou moins depuis peu, m'a emmenée dans ma chambre en me tirant par le bras. J'ai voulu sortir. J'ai cru qu'il rigolait. Mais il m'en a empêchée, il a fermé la porte à clefs et a mis la clé dans sa poche. J'ai senti une émotion me glacer, sans bien comprendre ce qui se passait, et je n'ai rien dit sur le coup, pensant qu'il allait se raisonner si je restais calme et qu'alors il me donnerait la clé. Il s'est approché mais a refusé, en riant, de rendre la clé; comme si c'était marrant, que c'était un jeu. Là j'ai commencé à paniquer, j'ai pensé un instant à sortir par la fenêtre, mais c'était au 2e étage. Pas osé crier. Parce que j'étais venue jusqu'à la chambre donc je me sentais "fautive". Il m'a alors allongée de force sur le lit, j'ai dit que je ne voulais pas, j'essayais de me relever, mais impossible. Il a dit que lui si, il voulait, qu'il n'en pouvait plus. Qu'il avait attendu toute la soirée. Il a baissé mon jeans jusqu'aux mollets, s'est allongé sur moi, je ne pouvais plus du coup bouger les jambes. Je répétais "Ce n'est pas le moment, pas maintenant, je ne suis pas bien, j'ai trop bu". Mais il a mis sa main sur ma bouche en disant des mots soit-disant "amoureux" et la suite, c'est son assouvissement en moi qui pleurait alors silencieusement, sans plus dire une parole. Cela a dû durer 10 minutes en tout, mais j'ai eu l'impression que c'était interminable et d'avoir un poids de 200 kilos sur moi, alors qu'il devait en faire 65. Il y avait des potes dans le salon à côté ce jour là, mais je n'ai rien dit en sortant de la chambre. J'ai dit au gars de rentrer chez lui. Point. Rien dit à mes proches, ni à mes copines, ni à ma mère dont j'étais pourtant très proche et qui était ma confidente. Et je n'ai pas parlé de ça ensuite pendant des années. Ni dans un groupe de parole, ni sur un fil de discussion féministe. Et c'est la première fois que je l'évoque "ouvertement". Je pense que c'est le bon topic pour ça. Ou le bon moment pour moi. C'est peut-être les deux.

Je n'attends pas de "consolation" quant à ça. Aucune. C'est loin maintenant. Juste pour dire que pendant des années, j'ai occulté. J'ai mis 10 ans à oser y repenser "vraiment" (surtout le coup de la clé, je le zappais quand j'y repensais, parce que ça mettait trop le mot agression sur le truc) et j'ai mis pas loin de 15 ans à mettre le mot viol sur ça. Et ce n'est pas pour me justifier ou chercher à m'excuser, mais à l'époque du sujet évoqué, avec le recul je sais que j'ai eu une réaction biaisée par mon propre déni. Depuis, j'ai souvent repensé à ce sujet et regretté le choix de mes mots. De manière générale sur ce forum, comme ailleurs, si on déterrait certains sujets, on serait plusieur-e-s étonné-e-s. Que ce soit en terme de sexisme, de misogynie, de féminisme.... Des propos graveleux, balancés directement à des filles du forum, il y en a eu. Des membres mal accueillies aussi. De la suffisance pure, des "ptits nouveaux" moqués, des prises de position trop catégoriques parce que manque de prise de recul... A la relecture, oui, on a tou-te-s pris plus de dix années dans la tronche et toute l'évolution personnelle et/ou politique qui va avec. Il est clair qu'on parlerait différemment sur pas mal de sujets. La preuve, comme on voyait les Valseuses il y a 10 ou 20 ans, on ne le voit plus aujourd'hui de la même façon. Sans doute que les discussions anciennes sur ce forum y sont aussi pour quelque-chose. C'est bien là son intérêt, au-delà de diffuser des annonces de concerts.

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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par kolonel muller » 11 mai 2019 18:30

Tu nous a tous coupé la chique :-? ...
En voilà une intervention qu'elle est mémorable ... Tu assures ...
Et ton témoignage : il fait froid dans le dos ... Un viol ni vu ni connu, avec les potes qui festoient dans la pièce d'à côté et qui ne se doutent de rien ... :(
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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par kolonel muller » 21 mai 2019 7:59

@Norma
Hier avec un pote on discutait des viols et tentatives de viols qu'avaient eu à subir des copines, nos compagnes ... Je lui ai fait part de ton récit. Nous étions d'accord sur un point : son caractère terriblement banal ... On se disait qu'encore aujourd'hui, beaucoup de mecs s'imaginent qu'un viol c'est forcément le cas extrême, mais bien réel, du type masquée qui suit sa proie jusque chez elle, qui la frappe, qui la ligote ...
Ce qui nous a frappés aussi, c'est le temps que tu as mis à mettre des mots sur ce que tu avais vécu ... Cela m'a rappelé un documentaire époustouflant, sur LCP, quelques jours plus tôt, sur le thème de " l'enfance volée " ... Une psychiatre citait le cas d'une jeune femme de 19 ans qui un jour appelle sa mère pou lui dire qu'elle vient d'être violée. La mère appelle la police, se rend sur place ... Et il faut bien se rendre à l'évidence : personne ne vient de l'agresser. Aucune trace d'effraction, aucune trace sur son corps. Pourtant, la description de l'agresseur disait quelque chose à la mère, lui laissait une impression étrange ... Elle n'a pas mis longtemps à comprendre : sa fille parlait d'un viol subi durant son enfance, complètement occulté, et dont le souvenir traumatique s'était brutalement manifesté, plus de 10 ans plus tard, suite à un élément déclencheur anodin ...
La psy expliquait ceci par une réaction du cerveau enfantin qui dans ce genre de situation extrême peut " disjoncter ", pour empêcher la folie. Le souvenir est alors stocké dans une sorte de boîte noire, sous une forme " éclatée ", "incohérente ", mêlé aux paroles du violeur, à son agressivité, à des odeurs, à des bruits ... Il peut resurgir des années plus tard à la faveur d'une parole, d'une sensation ... Araki a bien montré ce phénomène dans l'incroyable MYSTERIOUS SKIN ( 2001 ou 2004 ), en dressant le portrait de deux jeunes, abusés dans leur enfance par le même homme, mais qui vivaient la chose d'une façon complètement différente. Je ne sais pas si beaucoup d'entre vous l'ont vu ...
Elle disait aussi, cette psychiatre, que les psychanalystes avaient la fâcheuse tendance d'imputer ces pensées morbides /sinistres / "obscènes" ( tout ce reliquat, donc, d'un viol, d'une agression sauvage, d'une vision atroce ), à la victime, en soutenant qu'il s'agit de fantasmes, que c'était elle qui avait en elle toutes ces choses, qui les créait ... On imagine les dommages causés à une personne cherchant du réconfort, des soins, de l'aide ...
Enfin, et là on en revient à ton récit, elle disait qu'en France l'impunité était quasi totale ... 1 viol sur 10 fait l'objet d'une plainte, la moitié de ces plaintes est classée sans suite, une large proportion des procès qui s'ensuivent débouchent sur des non-lieux etc ( la proportion est pire encore pour les viols d'enfants ) ... Bref, violeurs et pédophiles sont à la fête ! Il suffit pour s'en convaincre de discuter avec des gens qui bossent au contact des mômes : on rencontre à la pelle des enseignants qui ont 10, 15 voire 20 ans de carrière et qui n'ont jamais eu à faire à des enfants abusés ... ce qui statistiquement est évidemment impossible ... en tout cas, tu nous a offert un " bel " exemple de viol qui passe sous les radars :(
... J'aimerais bien savoir, en tout cas, ce que ton agresseur a dans sa tête au jour d'aujourd'hui, comment il le vit, est-ce qu'il minore ce qu'il a fait, est-ce qu'il en a seulement conscience ( !!! ) etc :?:
Mon vrai nom c'est FRED :-)

Norma Bates

Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par Norma Bates » 21 mai 2019 13:26

@kolonel muller
Intéressante réflexion.
Ce qui était de l'ordre de la banalité, ou de l'ordinaire, c'était le cadre et le lien qui existait entre les gens; pas le viol en lui-même. J'imagine que c'est ce que tu voulais dire. Un samedi soir: des jeunes qui boivent, un "pseudo" couple qui s'isole sur l'insistance d'un des deux. Le scenar typique du teen movie avec la fille un peu saoule emmenée dans une chambre, le truc dont on se dit toutes "ça ne m'arriverait pas à moi". Et pourtant si, sauf qu'il n'y a pas de happy end, pas de copain sympa et pur qui flaire l'embuscade et vient casser la gueule de l'enfoiré. Je n'étais pas du genre à me laisser faire, j'avais toujours pensé que dans ce genre de cas je me défendrais, mais j'ai été prise au dépourvu, je ne pouvais pas imaginer tout ça. La porte fermée à clé-la force sans remords pour m'empêcher de me relever-les jambes entravées-la bouche bâillonnée par une main. Ça va très vite et on n'a pas le temps de comprendre, il y a un phénomène de sidération. Et on ne peut rien y faire, c'est comme si on n'était plus maître de rien, on se met en mode survie psychologique, c'est tout.

Sur le sujet du temps qui s'est écoulé pour laisser ressurgir complètement les faits et oser en parler, en effet c'est un phénomène courant. Ça peut paraître cliché, mais mon cerveau s'est mis en veille un peu avant la fin de l'agression et ensuite je n'ai fait que fuir la résurgence de ce moment. Les formes du déni peuvent-être différentes d'une personne à l'autre, selon plusieurs critères: l'âge où sont arrivés les faits, le degré de violence et de répétition etc. Je n'ai pas vu Mysterious skin, dont tu parles, mais ça me dirait bien du coup, merci pour l'idée. Moi j'avais 17 ans. J'ai pu choisir de ne plus côtoyer cette personne et me couper de lui, chose qu'un enfant ne s'imagine pas "possible" vis-à-vis d'un adulte qui a "autorité" sur lui. Ce qui entraîne souvent des dénis profonds et très longs dans le temps pour les enfants victimes de violences.
A propos des stats dont tu parles, de gens qui bossent avec des petits et ne "rencontreraient" pas de cas de maltraitances, c'est aussi parce qu'il y a un sérieux manque de formation sur le sujet. Dans le cadre de ma propre formation, j'ai eu la chance d'avoir des intervenants en psychologie de l'enfant, vraiment supers; dont un psychomotricien qui avait choisi de nous donner des clés pour pouvoir tenter de reconnaître la maltraitance non-dite chez les très jeunes enfants, et les bébés. On a étudié ce sujet pendant un an. Ce fut plus qu'éprouvant. Insupportable parfois, à avoir envie de quitter la salle. Mais c'est nécessaire et vraiment formateur. Il se basait sur son expérience de travail auprès d'enfants, sur les liens constatés entre des comportements répétitifs pouvant paraitre anodins et traumatisme très profondément caché. Le cerveau adopte des mécanismes de défense qui peuvent être des signaux repérables, même si parfois très difficilement perceptibles: mal réagir à la présence d'une couleur, à un prénom, à un lieu, faire des dessins récurrents, des cauchemars, éviter des situations etc... peuvent alerter. Mais toute la complexité, c'est qu'un enfant est comme "coupé en deux" lorsqu'il est agressé ou maltraité par un adulte qu'il doit "forcément" côtoyer. D'un côté il/elle se coupe du réel des faits parce que c'est trop insupportable, de l'autre il/elle doit continuer à avancer dans la réalité de sa vie quotidienne, avec l'idée terrifiante que ce serait mal de "dire", ou que peut-être il/elle est fauti-f-ve. C'est un situation chaotique pour l'esprit. Une contradiction qui fait beaucoup de mal en terme de construction de l'identité. C'est en ce sens que rien n'est comparable à la souffrance infantile en terme de maltraitance. C'est une double peine extrêmement injuste et dont les agresseurs se servent, ce qui rend la chose encore plus perverse et disons-le simplement, horrible.

Pour ma part, oui, il y a eu un fort déni donc un fort évitement. Quelques jours après ce viol, le gars a fait comme si de rien et a cherché à me contacter. Je refusais tout contact. Alors il s'est positionné en victime. Il connaissait mon frère et disait qu'il souffrait. Il disait vivre un gros chagrin d'amour... là où il n'y avait en réalité qu'une blessure d'orgueil. Et au risque de provoquer cet étonnement chez mes proches, qui ne m'imaginaient pas "traiter" quelqu'un comme ça, et bien j'ai préféré ne rien leur dire. Par peur de les blesser. Je préférais que mon petit frère pense que j'étais un peu méchante sur ce coup là, plutôt qu'il apprenne que sa sœur avait été violée. Il y avait une forme de honte et de peur mêlées aussi. Même si mes parents étaient "cool", j'avais peur de la réaction de mon père en particulier. Loin d'être manchot comme on dit, je savais qu'il aurait voulu défendre sa fille à sa façon s'il apprenait qu'on m'avait agressée. Je ne le voulais pas. Je ne voulais pas créer de gros merdier qui aurait fait de la situation "un problème". Je voulais juste passer à autre chose. Alors le meilleur moyen de ne rien laisser paraître, c'était de faire comme si rien ne s'était passé.
Mais le principe du déni c'est qu'il y a des effets du traumatisme qu'on ne peut pas contrôler. il y a eu la fois où je n'ai pas pu retenir ma réaction, quand ce mec a fini par se pointer chez une copine pour me voir. En entendant sa mobylette se garer sous les fenêtres, ça a été la panique. Je me souviens avoir dit aux gens présents "S"il vous plaît, faite-le partir, je ne veux pas qu'il monte, je ne veux pas le voir, je ne veux pas l'entendre". Il s'est barré mais comprenant qu'il ne lacherait pas, le lendemain j'ai pris une énorme bouffée de cran pour l'appeler et lui dire qu'on n'était pas ensemble, ce qui m'a énormément coûté parce mon dégoût pour lui était intense. Je me souviens avoir dit "Je ne veux plus te parler et plus te voir. Tu sais pourquoi". Sans obtenir de réponse.

Voilà, alors pour te répondre, je ne sais pas ce que lui a retenu de ça.. J'ai pensé quelques fois à lui écrire pour lui dire la dureté de qu'il avait fait ce jour là. Et lui demander s'il avait pris conscience que c'était un viol. Mais de ce que je sais, il vit seul, la mère de son fils l'a quitté. Il fait des paris sur internet toute la journée et ne sort pas de chez lui, il n'a pas de potes, pas d'horizons, pas de rêves, il est blasé. Ce n'est pas que j’éprouve de la compassion pour lui mais je me dis qu'il subit déjà le retour de sa mentalité et de sa personnalité de merde (pensant que tout lui est dû, sans considération pour autrui, sans montrer aucune forme de respect aux autres). Et est-ce que ça me soulagerait de lui dire qu'il m'a fait du mal et qu'il aurait même pu aller en taule pour ça? Je ne pense pas. Ma résilience est déjà faite. J'ai réussi à aborder ça ponctuellement avec de très rares proches. C'est sorti, c'est derrière. Et ça a été bouclé par le fait d'avoir enfin couché ça par écrit, chose que j'ai choisie de faire ici, plutôt que sur un fil "me too" où je ne me serais pas sentie bien: puisqu'on y lit aussi une part de ramassis de clichés et de bons sentiments à la noix, il faut dire ce qui est. J'avais malgré tout envie de poser ma pierre à l'édifice, par solidarité. je pense que c'est important qu'il y ait plusieurs voix qui osent raconter. Même si ce n'est pas facile. C'est paradoxal mais je me sentais coupable de ne pas participer et de ne pas dénoncer.
(Ouh ben en v'la du bon sentiment à la noix, tiens, qu'est-ce que je disais.)

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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par kolonel muller » 27 mai 2019 15:01

Norma Bates a écrit :
21 mai 2019 13:26
J'avais malgré tout envie de poser ma pierre à l'édifice, par solidarité. je pense que c'est important qu'il y ait plusieurs voix qui osent raconter. Même si ce n'est pas facile.
Carrément ! Des témoignages comme le tien mériteraient d'ailleurs d'être couchés sur papier ... Un recueil ? Je suppose que cela a déjà été fait ... Tout y est en tout cas, toutes les questions que l'on pourrit se poser : le phénomène de sidération, la résilience, l'inutilité d'une "vengeance" après celle-ci ... ( d'ailleurs beaucoup des mécanismes que tu décris me font songer à ceux qui se produisent suite à une agression " ordinaire " mais extrêmement violente, voire suite à un choc quelconque ( vision d'horreur, accident ... ) )
...
Concernant la formation dont tu parles, je tombe un peu des nues : jamais entendu parler ! L'Education Nationale - l'institution, pas forcément ses agents - est vraiment d'une nullité hallucinante ! Non contente de laisser les gamins en difficulté ramer ( il y a bien des mesures et des aides selon les cas, mais on est bien souvent plus proche du pansement sur une jambe de bois :p4: et avec l'inclusion à tout prix, ça ne va pas s'arranger ! ), elle ne forme pas du tout ses profs à l'essentiel ... Elle ne les recrute pas non plus après des entretiens avec un(e) psy ( même pour rentrer à la SNCF tu passes devant un(e) psy ... Mais pour bosser avec des enfants Niet !!! ) et refuse de travailler avec les pros du secteur social ... Bref, le bien être des gosses elle s'en fout ! :bad-words:
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Re: Films de Blier, accompagnés d'un zeste d'Orange mécanique, saupoudrés d'un Râpé de revenge.

Message par Norma Bates » 31 mai 2019 9:09

Carrément ! Des témoignages comme le tien mériteraient d'ailleurs d'être couchés sur papier ... Un recueil ? Je suppose que cela a déjà été fait ...
Tu veux dire un ouvrage qui recueillerait des témoignages de personnes qui ont vécu un/des viol/s? Pour ma part, comme je le disais, c'est la première fois que j'écris à ce sujet. Il y a un livre que j'ai vu sur une table de librairie l'autre jour, j'ai hésité à le prendre, puis finalement j'ai choisi un bouquin plus léger :hausse: ;
Ça s'appelle "Mes années barbares", une femme qui raconte, avec l'aide d'une écrivaine, les viols qu'elle a subi durant sa vie à la rue. En lisant le dos de couverture, j'ai pensé à "Moi Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée" (ce qui me fait penser que j'ai aussi vu que Christiane F. avait écrit un livre en 2013, j'étais totalement passée à côté! https://www.youtube.com/watch?v=UtekG2D9hSw). Bref, des recueils oui, il y en, plein même si on cherche.
Concernant la formation dont tu parles, je tombe un peu des nues : jamais entendu parler ! L'Education Nationale - l'institution, pas forcément ses agents - est vraiment d'une nullité hallucinante ! Non contente de laisser les gamins en difficulté ramer ( il y a bien des mesures et des aides selon les cas, mais on est bien souvent plus proche du pansement sur une jambe de bois :p4: et avec l'inclusion à tout prix, ça ne va pas s'arranger ! ), elle ne forme pas du tout ses profs à l'essentiel ... Elle ne les recrute pas non plus après des entretiens avec un(e) psy ( même pour rentrer à la SNCF tu passes devant un(e) psy ... Mais pour bosser avec des enfants Niet !!! ) et refuse de travailler avec les pros du secteur social ... Bref, le bien être des gosses elle s'en fout !
Ben justement, ma formation s'était dans le secteur social, pas dans l'Education Nationale... Ceci explique sûrement cela ;)
En fait, l'Education Nationale se "couvre", c'est-à-dire qu'elle fait en sorte de ne pas mélanger les torchons et les serviettes. Si elle formait ses enseignants à une dimension psycho-social de l'accompagnement des élèves, ça sous-entendrait qu'en cas de non assistance à un enfant en danger, elle serait plus susceptible d'être sanctionnée. D'où cette hypocrisie totale sur le sujet. Les enseignants n'osent bien souvent pas dénoncer ce qu'ils soupçonnent, ce qu'ils constatent. Quand tu es formé en tant qu'éducateur, on te lave le cerveau sur le sujet de la non assistance à personne en danger, sur le fait qu'on est les premiers à pouvoir intervenir et qu'on a ce devoir. Question alors: pourquoi y a-til des enseignants et des éducateurs dans les écoles destinées à des élèves dits déficients intellectuels ou ayant des TSA, alors que dans les écoles dites ordinaires, il n'y a que des enseignants... On a besoin de ces deux accompagnements pour tous les enfants en effet.

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