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par Toma » 23 juin 2021 15:18
Ok, j'ai enfin lu A la ligne du regretté Joseph Ponthus, évoqué dans un autre topic il y a peu.
Outre que j'ai trouvé le bouquin, "fraternellement dédié aux prolétaires de tous les pays", formidable, ce livre a fait remonter des vieux souvenirs de premiers boulots, alors que je sortais tout fraichement d'un parcours scolaire assez bancal.
Certes, je n'ai pas cotoyé les abattoirs comme lui, mais une expérience dans une usine de tomates m'avait profondément marqué. Je n'avais pour ainsi dire, pas grande expérience du monde du travail, et pas beaucoup plus de la vie, mais celle ci allait se charger de m'administrer quelques claques....
Je me pointe donc dans la dite usine un matin, on m'indique mon poste à un bout de la chaîne, "donc y a le grand gaillard là qui va te filer les caisses de tomates, toi tu les mets sur le tapis". Yeah, pas compliqué! que je me dis alors, jeune con d'à peine plus de 20 ans, 60 kilos tout mouillé. Sur ce, la journée commence, j'attrape la première caisse et bon sang! Le truc pesait un âne mort! Surpris par le poids, je vacille, et pour ne pas me casser la gueule, lache la caisse par terre, et roulent roulent les belles tomates le long de la chaîne...Grand Gaillard m'a regardé, il n'a rien dit, mais j'ai bien senti qu'il avait deviné que la journée allait être longue, pour lui comme pour moi!
Et de fait, 20 minutes plus tard, je transpirais déjà comme un malade, dans quelle antichambre de l'Enfer étais-je donc tombé? Je ne parvenais pas à distraire mon esprit, il n'y avait que les tomates, la chaîne, mettre les tomates sur la chaîne, parfois je tentais un regard autour de moi, tous ces hommes et femmes qui n'étaient certainement pas intérimaires, comment était-ce humainement possible de tenir une telle cadence pendant plusieurs années?
A la pause de midi, je rentre chez mes parents, avale un morceau, m'écroule sur mon lit 20 minutes, je cogitais, était-ce donc le tarif pour les pauvres bougres ayant raté leur scolarité?
De retour à l'usine, rebelote, je ne sais même pas à quelle heure je finis, pas après 17h j'espère! Au bout d'un moment, grand gaillard doit se coltiner en plus de son taf une part du mien, ce n'est pas pour le plaisir de rien foutre, mais vraiment, physiquement je n'en peux plus. Il est 17h, alors, c'est fini oui ou merde? Un chef passe par là, "un autre camion arrive, les intérimaires, vous restez!" Ce n'est qu'après 18 heures, au terme de ce que je considérais comme la pire journée de ma courte existence que j'ai enfin pu mettre les voiles. Je me suis surpris à prier "pitié, faites qu'ils ne me rappellent jamais!"
Ils ne l'ont pas fait, j'imagine que ma prestation y est pour quelque chose!
Nique le taf!
Magicraph is my copilot