Squat à Yogja, Indonésie - carnet de voyage.
Posté : 12 avr. 2008 10:09
Salut les Painques!
En attendant de quitter Sarkoland pour de bon, j'écris quelques carnets de voyage comme on dit... celui-ci vous intéressera peut-être... évidemment, il est écrit pour des "non-punks", donc, un peu soft...
Voilà...
-----------------
Un squat d’artistes punks à Yogjakarta, 2001 – 2002, Java, Indonésie.
Embrouille à la gare de Kariacondong
« Fuck the white people ! Fuck the white people ! », c’est clair, je ne m’étais pas souvent fait insulter comme ça en Indonésie, à vrai dire, même, c’était bel et bien la première fois qu’un autochtone qui semblait avoir toute sa tête s’en prenait à moi avec autant de virulence, et sans raison encore ! Furieux, je posais mon sac et m’apprêtais à descendre du train pour aller claquer l’adolescent destroy qui gesticulait sur le quai. Mais il était déjà trop tard. Par la porte qui me faisait face, deux solides policiers entraient dans le wagon et marchaient vers moi d’un pas décidé, bousculant les passagers. Sur le seuil de l’autre porte, à l’arrière, quelques-uns de mes compagnons de voyage, tous indonésiens, se défendaient tant bien que mal contre un groupe de jeunes voyous de la gare. Coups de poings, coups de pied, insultes, j’interrogeais mon camarade le plus proche sur les raisons de ce déferlement de violence lorsque les deux flics m’empoignèrent et me traînèrent sans ménagement à leur suite. « Vite ! Ils ont des couteaux, des faucilles et des sabres ! » lança un de mes amis, qui déjà, s’enfuyait à ma suite. « Fuck the police ! Aparat Keparat ! » scandait le sale gamin par la fenêtre du wagon. « Tu veux te battre contre moi ? » rugissait le plus gros des deux flics en tirant son poignard de son fourreau. Puis, très vite, la panique se généralisa. Les policiers et leurs collègues venus en renfort se firent proprement la malle. « C’est toi qu’ils veulent, cours ! » lança encore un de mes camarades comme des pierres frappaient déjà la carrosserie du wagon. Je m’engouffrais à la suite de la maréchaussée et essuyais au passage d’un train à quai plongé dans l’obscurité quelques coups que je rendis avec rage. Puis, je me précipitais, talonné par mes amis et nos agresseurs déchaînés dans le petit poste de police de la gare de Kariacondong, où nous fûmes proprement bouclés, à huit dans la même cellule par des policiers qui avaient retrouvé leurs esprits et n’allaient pas tarder à se remettre à faire les marioles.
Massée contre les fenêtres (curieusement larges et dénuées de barreaux) , une foule menaçante observait chacun des faits et gestes des cow-boys occupés à déballer le contenu de mon sac. « Ils pensent que tu es venu ici pour vendre de la drogue, ils te prennent pour un trafiquant ! » me confia un de mes compagnons. « C’est juste un problème de compréhension », affirmait, laconique, le plus déglingué de mes amis, Mank, qui visiblement était celui à cause de qui tout avait commencé. Edenté, tatoué de partout, il avait la belle allure d’un criminel endurci, et avait été pris, d’après ce que je comprenais, pour le fidèle bras droit d’un dealer venu de l’Ouest, moi en l’occurrence ! Pour des raisons diamétralement opposées, les gangsters du coin et les policiers s’en étaient pris à notre petit groupe. On peut dire que notre voyage depuis Bandung vers Yogja commençait bien. Familiers des trains classe économie, mes camarades avaient décidé de partir d’une obscure gare de banlieue, assez chaude, de l’aveu même d’un policier plus avenant qui n’a pas encore fait son apparition dans cette histoire. Punks crasseux, militants anars, jeunes types originaux, aussi différents étaient-ils, ils avaient tous souhaité me faire visiter un squat d’artistes très actifs et très engagés à Yogjakarta, la capitale de Java centre. De fil en aiguille, nous nous étions mis d’accord pour une petite virée là-bas. Mais aujourd’hui, nous nous retrouvions derrière les barreaux, questionnés durement par des flics agressifs que je ne me gênais pas non plus pour provoquer : « Mais ça ce sont des médicaments pour le mal de tête ! Et ça pour le mal de ventre… » criais-je depuis ma cellule, bravement, sachant qu’il n’y avait aucun médicament interdit dans ma pharmacie conséquente. Je rassurais mes potes et surtout Jo, une jeune australienne qui était à Bandung pour faire un reportage sur les mouvements de la jeunesse et la contre-culture en Indonésie, et qui était effondrée sur un sale banc tout pourri, entrevoyant sans doute son avenir dans une prison indo… Finalement, déçus de ne rien trouver, nos bons flics firent sortir un de nos amis, et commencèrent à lui mettre des gifles malgré nos cris de colère. La séance de défoulement collectif fut interrompue par l’arrivée d’un petit homme sur le visage duquel on lisait : « Houlala, mes idiots de collègues ont attrapé deux blancs, mais ils sont fous ! ! »… Je lui exposais mon cas et il nous expliqua que nous devions être transférés au commissariat pour une vérification plus approfondie. Nous sortîmes du poste de la gare sous bonne escorte, fendant une foule silencieuse et hostile.
Au commissariat central, nous fûmes enfermés dans une autre cellule dans laquelle croupissait une vieille femme détenue là pour trafic de stupéfiants : « Ils m’ont tout pris, toute l’herbe et l’opium… » se lamentait-elle. Nous pûmes très vite constater qu’elle disait vrai. A part le petit flic sympa, la majorité des flics étaient totalement défoncés. L’un d’eux, les yeux rougis, voulait que je lui confie mon argent pour éviter que ses collègues ne me le prennent : « Ils n’hésiteront pas » avançait-il… Me prenaît-il pour le roi des pigeons ? Celui qui m’interrogea plus tard était hilare, et derrière lui, son collègue en marcel chantait à tue-tête en jouant furieusement de la guitare. Finalement, un gradé plus sobre nous présenta ses excuses en me faisant cependant promettre de ne pas raconter, plus tard, en France, ce qui était arrivé. En effet, il craignait qu’en entendant des histoires pareilles, les Français prendraient peur et n’oseraient plus venir en Indonésie, ce qui engendrerait une baisse conséquente du tourisme !
J’interrogeais mes camarades, il était quatre heures du matin, allions-nous devoir annuler notre voyage à Yogja ? « Non, non, ne t’inquiète pas, il y a un train qui part dans une heure ! »… Je n’avais eu peur à aucun moment (l’adrénaline ?), mais là, tout de même, je restais scié ! « Vous ne comptez tout de même pas retourner à la gare là ? »… « Si si, ne t’inquiète pas, c’est réglé maintenant ! »… Un flic local moulé dans son uniforme frappa son torse puissant tel King Kong dans ses grands moments : « Moi je protège Mister, pas de problèmes ! »… « Oui, oui, mais tu es seul, et les gangsters là-bas, ils sont cent ! ! » m’exclamais-je en mon fort intérieur. Mais mes camarades avaient raison de ne pas s’inquiéter. A cette heure ci, la gare était quasiment déserte. Un des types qui avait essayé de me lyncher vint tranquillement s’enquérir des suites de l’affaire et convenir qu’il ne s’agissait, comme Mank l’avait suggéré, que « d’un problème de compréhension »… Il me serra chaleureusement la main.
En attendant de quitter Sarkoland pour de bon, j'écris quelques carnets de voyage comme on dit... celui-ci vous intéressera peut-être... évidemment, il est écrit pour des "non-punks", donc, un peu soft...
Voilà...
-----------------
Un squat d’artistes punks à Yogjakarta, 2001 – 2002, Java, Indonésie.
Embrouille à la gare de Kariacondong
« Fuck the white people ! Fuck the white people ! », c’est clair, je ne m’étais pas souvent fait insulter comme ça en Indonésie, à vrai dire, même, c’était bel et bien la première fois qu’un autochtone qui semblait avoir toute sa tête s’en prenait à moi avec autant de virulence, et sans raison encore ! Furieux, je posais mon sac et m’apprêtais à descendre du train pour aller claquer l’adolescent destroy qui gesticulait sur le quai. Mais il était déjà trop tard. Par la porte qui me faisait face, deux solides policiers entraient dans le wagon et marchaient vers moi d’un pas décidé, bousculant les passagers. Sur le seuil de l’autre porte, à l’arrière, quelques-uns de mes compagnons de voyage, tous indonésiens, se défendaient tant bien que mal contre un groupe de jeunes voyous de la gare. Coups de poings, coups de pied, insultes, j’interrogeais mon camarade le plus proche sur les raisons de ce déferlement de violence lorsque les deux flics m’empoignèrent et me traînèrent sans ménagement à leur suite. « Vite ! Ils ont des couteaux, des faucilles et des sabres ! » lança un de mes amis, qui déjà, s’enfuyait à ma suite. « Fuck the police ! Aparat Keparat ! » scandait le sale gamin par la fenêtre du wagon. « Tu veux te battre contre moi ? » rugissait le plus gros des deux flics en tirant son poignard de son fourreau. Puis, très vite, la panique se généralisa. Les policiers et leurs collègues venus en renfort se firent proprement la malle. « C’est toi qu’ils veulent, cours ! » lança encore un de mes camarades comme des pierres frappaient déjà la carrosserie du wagon. Je m’engouffrais à la suite de la maréchaussée et essuyais au passage d’un train à quai plongé dans l’obscurité quelques coups que je rendis avec rage. Puis, je me précipitais, talonné par mes amis et nos agresseurs déchaînés dans le petit poste de police de la gare de Kariacondong, où nous fûmes proprement bouclés, à huit dans la même cellule par des policiers qui avaient retrouvé leurs esprits et n’allaient pas tarder à se remettre à faire les marioles.
Massée contre les fenêtres (curieusement larges et dénuées de barreaux) , une foule menaçante observait chacun des faits et gestes des cow-boys occupés à déballer le contenu de mon sac. « Ils pensent que tu es venu ici pour vendre de la drogue, ils te prennent pour un trafiquant ! » me confia un de mes compagnons. « C’est juste un problème de compréhension », affirmait, laconique, le plus déglingué de mes amis, Mank, qui visiblement était celui à cause de qui tout avait commencé. Edenté, tatoué de partout, il avait la belle allure d’un criminel endurci, et avait été pris, d’après ce que je comprenais, pour le fidèle bras droit d’un dealer venu de l’Ouest, moi en l’occurrence ! Pour des raisons diamétralement opposées, les gangsters du coin et les policiers s’en étaient pris à notre petit groupe. On peut dire que notre voyage depuis Bandung vers Yogja commençait bien. Familiers des trains classe économie, mes camarades avaient décidé de partir d’une obscure gare de banlieue, assez chaude, de l’aveu même d’un policier plus avenant qui n’a pas encore fait son apparition dans cette histoire. Punks crasseux, militants anars, jeunes types originaux, aussi différents étaient-ils, ils avaient tous souhaité me faire visiter un squat d’artistes très actifs et très engagés à Yogjakarta, la capitale de Java centre. De fil en aiguille, nous nous étions mis d’accord pour une petite virée là-bas. Mais aujourd’hui, nous nous retrouvions derrière les barreaux, questionnés durement par des flics agressifs que je ne me gênais pas non plus pour provoquer : « Mais ça ce sont des médicaments pour le mal de tête ! Et ça pour le mal de ventre… » criais-je depuis ma cellule, bravement, sachant qu’il n’y avait aucun médicament interdit dans ma pharmacie conséquente. Je rassurais mes potes et surtout Jo, une jeune australienne qui était à Bandung pour faire un reportage sur les mouvements de la jeunesse et la contre-culture en Indonésie, et qui était effondrée sur un sale banc tout pourri, entrevoyant sans doute son avenir dans une prison indo… Finalement, déçus de ne rien trouver, nos bons flics firent sortir un de nos amis, et commencèrent à lui mettre des gifles malgré nos cris de colère. La séance de défoulement collectif fut interrompue par l’arrivée d’un petit homme sur le visage duquel on lisait : « Houlala, mes idiots de collègues ont attrapé deux blancs, mais ils sont fous ! ! »… Je lui exposais mon cas et il nous expliqua que nous devions être transférés au commissariat pour une vérification plus approfondie. Nous sortîmes du poste de la gare sous bonne escorte, fendant une foule silencieuse et hostile.
Au commissariat central, nous fûmes enfermés dans une autre cellule dans laquelle croupissait une vieille femme détenue là pour trafic de stupéfiants : « Ils m’ont tout pris, toute l’herbe et l’opium… » se lamentait-elle. Nous pûmes très vite constater qu’elle disait vrai. A part le petit flic sympa, la majorité des flics étaient totalement défoncés. L’un d’eux, les yeux rougis, voulait que je lui confie mon argent pour éviter que ses collègues ne me le prennent : « Ils n’hésiteront pas » avançait-il… Me prenaît-il pour le roi des pigeons ? Celui qui m’interrogea plus tard était hilare, et derrière lui, son collègue en marcel chantait à tue-tête en jouant furieusement de la guitare. Finalement, un gradé plus sobre nous présenta ses excuses en me faisant cependant promettre de ne pas raconter, plus tard, en France, ce qui était arrivé. En effet, il craignait qu’en entendant des histoires pareilles, les Français prendraient peur et n’oseraient plus venir en Indonésie, ce qui engendrerait une baisse conséquente du tourisme !
J’interrogeais mes camarades, il était quatre heures du matin, allions-nous devoir annuler notre voyage à Yogja ? « Non, non, ne t’inquiète pas, il y a un train qui part dans une heure ! »… Je n’avais eu peur à aucun moment (l’adrénaline ?), mais là, tout de même, je restais scié ! « Vous ne comptez tout de même pas retourner à la gare là ? »… « Si si, ne t’inquiète pas, c’est réglé maintenant ! »… Un flic local moulé dans son uniforme frappa son torse puissant tel King Kong dans ses grands moments : « Moi je protège Mister, pas de problèmes ! »… « Oui, oui, mais tu es seul, et les gangsters là-bas, ils sont cent ! ! » m’exclamais-je en mon fort intérieur. Mais mes camarades avaient raison de ne pas s’inquiéter. A cette heure ci, la gare était quasiment déserte. Un des types qui avait essayé de me lyncher vint tranquillement s’enquérir des suites de l’affaire et convenir qu’il ne s’agissait, comme Mank l’avait suggéré, que « d’un problème de compréhension »… Il me serra chaleureusement la main.