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Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Posté : 22 mars 2023 9:44
par ratcharge
Pour celles et ceux qui aiment les romans sociaux du point de vue des marginaux, je recommande Dans les rues du Barrio, de Piri Thomas. Le quotidien d'un jeune fils d'immigrés portoricains dans le Harlem d'après-guerre. Ça parle de racisme, de taule, de drogues, et ça se lit tout seul.

https://www.editions-tusitala.org/dans- ... ri-thomas/

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Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Posté : 22 mars 2023 19:00
par bub
bub a écrit :
15 févr. 2023 9:05
un long passage pro-flic
Je recommande le salutaire "1312 raisons d'abolir la police" qui vient de paraitre chez Lux.
Et dans le même temps, pour rester sur le thème de l'abolition, j'ai vraiment apprécié "La prison est-elle obsolète" de la classieuse Angela Davis.
Comme ca, on reste dans le thème abolition de la nouvelle loi sur les retraites.

Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Posté : 28 mars 2023 19:37
par Yanic
vincent a écrit :
20 sept. 2022 15:11
Yanic a écrit :
13 sept. 2022 22:37
De mon coté, je rattrape une sacrée pile de livres de chevets en retard, commencée par la relecture des 7 tomes de Rois Maudits, ce qui m'a forcément occupé un bon moment, avant de m'attaquer aux "chemins noirs" de Sylvain Tesson, un thème qui m'apparaissait passionnant (la traversée de la France à pied du sud-est jusqu'au nord-est), mais qui à part quelques paragraphes très bien amenés, m'a saoulé par son coté égo-centré donneur de leçons philosophiques à deux ronds, et m'a trop régulièrement fait chantonner un titre du groupe nantais Naphtaline, qui dans les années 90 a produit seulement 2 démos cassette, mais dont le refrain d'une des chansons était "Alors je m'y suis mis et maintenant je te parle de moiiiiiiii" (faites durer le "moiiiii" comme dans une chanson de Zabriskie Point, le fameux chant à la nantaise) - tiens, retrouvé le morceau sur la compil Mass Prod Brezh Disorder, la première de la série et la meilleure à mon sens -
Les « chemins noirs » de Tesson moi j’ai accroché à fond !
Ce qui est me bloque un peu chez lui n’est pas son coté égo-centré donneur de leçons philosophiques à deux ronds, je dirais plutôt son coté crypto-faf islamo rabique. Mais c’est un travers que je lui pardonne car c’est vraiment sympa à lire.
J’avais commencé par « Dans les forets de Sibérie » (très bon), j’ai lu son anthologie dans la collection bouquins robert lafont. Et il y a quelques mois, j’ai lu un de ses premiers « on a roulé sur la Terre » un récit de voyage à vélo sympa mais irritant par moments, que j’aurais sous titré « Les périgrinations de deux gosses de riches dans leur terrain de jeu monde »

Les rois maudits j’ai toujours eu envie de le lire tu conseilles ?
Désolé, Vincent, j'ai zappé de te répondre sur le moment, c'est seulement l'annonce de la sortie des Chemins Noirs en film qui vient de me le rappeler.
Du coup, je me le suis relu, et ce qui m'a dérangé, en plus du coté donneur de leçon, c'est que j'ai eu l'impression de lire un compte-rendu de voyage qui serait le prétexte aux propos que l'auteur avait déja prévu d'avance d'écrire, sur l'hyper-ruralité et la fameuse France périphérique. A la rigueur, il ne se serait pas embêté à faire le trajet que ça aurait été pareil !
Et là, je pousse le trollage jusqu'à me demander quelle partie de l'aventure est vraie, par rapport à la "promesse consommateur" promise en 4e de couverture ?
Non, parce que là, on ne parle pas d'une SaintéLyon, on parle d'une sacrée randonnée en itinérance, et dans le domaine, le choix du matos emporté (notamment à travers son poids) et de la gestion de l'alimentation est un critère fondamental. Alors je veux bien que pour ne pas alourdir le récit, on évite le chapitre sur les choix d'équipements, mais là, on évite vraiment le sujet avec des pudeurs de rosière.
Concrètement, s'il avait voulu le faire réellement en autonomie, il aurait fallu qu'il parte avec combien de kilos de bouffe lyophilisée ? Et un sac à dos de combien de kilos ? Non, là-dessus, visiblement, la question ne se pose pas pour l'auteur. On en a d'ailleurs un premier indice au bout de 10 pages, où il évoque sa soirée en chambre d'hôte, en l'entourant d'un artifice littéraire pour noyer la chose. Et la suite est à l'avenant, curieusement, tout se fait naturellement, dans un non-dit devenant gênant ; c'est bien beau, ses discours contre les nouvelles technologies quand tout indique en creux que sa grosse randonnée a largement été assistée par les possibilités d'un smartphone (dont il n'évoque même pas l'utilisation, raison de plus pour se demander comment se sont calés les rendez-vous avec les différentes personnes qui émaillent la 2e partie de son récit).
D'ailleurs, de façon plus générale, j'ai envie de dire que si vous avez le gout de l'aventure, de la marche et de l'itinérance, ne partez pas avec lui, ce type est visiblement le plus chiant du monde ! En 1000 bornes à pied, il ne lui arrive rien, absolument rien, même pas la moindre morsure de chien, pas la moindre rencontre à part un agriculteur taiseux, que dalle !!! Il l'a fait en SUV, sa petite promenade, ou quoi ?!!
(désolé pour le pavé, fallait que ça sorte, visiblement ! :lol: )

Et donc pour 2e question sur les Rois Maudits, je conseille, malgré certaines libertés historiques que s'accorde l'auteur, mais ça a un coté addictif, prévois d'avoir un tome d'avance sous la main quand tu finis le précédent !

Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Posté : 28 mars 2023 20:28
par kolonel muller
T'as raison Yanic niveau aventure faut mieux lire Fort Gono y'a des crocos, des éruptions volcaniques et de la baston en veux-tu en voilà :lol:
Plus sérieusement si vous aimez les récits qui font reculer les murs de l'appart (cf Fred Earquake) mais que les récits de voyage vous emmerdent jetez-vous sur "La cité perdue de Z" c'est juste fabuleux !!!

Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Posté : 30 mars 2023 17:44
par Chéri-Bibi
A propos de Sylvain Tesson...
Il est l’un des auteurs les plus populaires du moment, distingué par le prix Goncourt de la nouvelle (2009), le prix Médicis essai (2011) et le prix Renaudot (2019). Ses livres s’écoulent à des centaines de milliers d’exemplaires et sont adaptés au cinéma. Son récit autobiographique, Sur les chemins noirs (Gallimard), vient même de sortir sur grand écran avec Jean Dujardin en tête d’affiche. On le lit dans les colonnes du Figaro et on l’écoute sur les ondes de France Inter.
Mais qui connaît exactement les liens qui unissent Sylvain Tesson à l’extrême droite ? De ses premiers pas sur Radio Courtoisie au financement de son premier voyage sous l’égide d’une association d’anciens de l’OAS, en passant par son admiration pour l’écrivain Jean Raspail et ses accointances avec Dominique Venner, le journaliste François Krug retrace l’itinéraire idéologique du plus célèbre des « écrivains-voyageurs » français.
Aux côtés de Yann Moix et de Michel Houellebecq, Sylvain Tesson est la troisième figure du livre Réactions françaises, une enquête fouillée sur l’extrême droite littéraire, à paraître le 31 mars aux éditions du Seuil. Une plongée dans ce petit milieu intellectuel et faussement branché des années 1990 où se sont formés bon nombre d’esprits réactionnaires. Extraits.
*
Le dimanche 10 octobre 1993, près de 200 personnes se massent devant le collège et lycée Passy-Buzenval, un établissement privé de Rueil-Malmaison géré par la congrégation des Frères des écoles chrétiennes. Cette foule sort d’une messe de bénédiction organisée pour les héros du jour, deux anciens élèves : Sylvain Tesson, 21 ans, et son ami Alexandre Poussin, 23 ans. Sous les applaudissements, Tesson et Poussin montent sur leurs vélos. Ils donnent le premier coup de pédale. Les voilà partis pour un tour du monde à bicyclette, retour prévu dans un an.
Avant le départ, Tesson a obtenu une autre bénédiction. Il a écrit au romancier Jean Raspail, un de ces écrivains qui lui ont donné envie d’explorer le monde. Raspail, âgé alors de 68 ans, a pris le temps de répondre au jeune homme. Il lui a donné un conseil pour son tour du monde : « Écrivez tous les jours, même malade, prenez des notes. »
Tesson lui en restera reconnaissant. « Merci de m’avoir donné ce conseil qui en quelque sorte a gouverné mes années de voyage », lui écrira-t-il encore des années plus tard, quand il se sera lui aussi fait un nom. […] Jean Raspail n’est pas qu’un écrivain pour boyscouts attardés. Son livre le plus célèbre, et le plus vendu, reste Le Camp des saints, publié en 1972 chez Robert Laffont. Ce roman d’anticipation est un classique de la littérature d’extrême droite.

Pendant son tour du monde à vélo, le jeune Sylvain Tesson pense à donner de ses nouvelles à Jean Raspail. En mai 1994, il lui envoie une carte lors d’une escale au Tibet. « Qui se souvient des Tibétains ? », s’amuse-t-il, en référence à Qui se souvient des Hommes..., un roman de Raspail. À leur retour en France, Tesson et son copain Alexandre Poussin cosignent chez Robert Laffont leur premier livre, On a roulé sur la terre.
En 1997, alors qu’ils s’apprêtent à traverser l’Himalaya à pied, Tesson écrit une nouvelle fois à Raspail : « Nous ne vous dirons jamais assez combien nous avons été heureux que vous donniez le coup d’envoi de notre premier raid et premier livre, nous continuons de penser à vous en ne cessant pas d’appliquer votre précieux conseil d’écrire en route. » Tesson et Poussin tirent de leur voyage un deuxième livre, La Marche dans le ciel. Ils l’envoient à Raspail. À sa mort, on retrouvera cet exemplaire dans sa bibliothèque. Le vieil écrivain a corné quelques pages marquantes. Il a aussi surligné un passage : un hommage au Camp des saints.
Dans son roman, Raspail décrivait la saleté et la bestialité d’immigrés indiens. Dans l’Himalaya, Poussin et Tesson croisent justement le chemin de pèlerins hindous : « Partout la vallée est jonchée de détritus et d’immondices [...]. Dans l’air flotte des remugles nauséeux, et du sol imbibé transpire une sanie infecte. La montagne elle-même dégage une odeur de mort et de déjection [...]. Tout le parcours est conchié par ce passage du “camp des saints”. »
Tesson ne cessera jamais de remercier Raspail. « Croyez bien que quand je suis au bivouac, devant la page blanche de mon cahier de bord, je songe souvent que c’est vous qui m’avez mis le pied à l’étrier et la plume à l’encrier », lui écrit-il en 2006. « Votre œuvre est nécessaire à nous tous, membres de votre société secrète, plus nombreux que vous le pensez », lui explique-t-il encore en 2019.
Jean Raspail meurt en juin 2020, à 94 ans. Ses obsèques sont organisées à l’église Saint-Roch, dans le 1er arrondissement de Paris. Le cercueil de l’écrivain est recouvert du drapeau de son royaume fictif de Patagonie, trois bandes horizontales bleue, blanche et verte. De jeunes scouts font une haie d’honneur. De vieux militaires à la retraite ont revêtu leur uniforme. Raspail était royaliste : le comte de Paris, héritier de la couronne, a fait le déplacement.
Dans l’assistance, on repère surtout les représentants de la droite extrême : le souverainiste Philippe de Villiers, la larme à l’œil ; Marion Maréchal-Le Pen ; l’homme d’affaires Charles Beigbeder, frère de Frédéric, l’écrivain, et mécène de la jeune droite identitaire ; d’anciens compagnons du Parti des forces nouvelles, le mouvement néofasciste que Raspail avait soutenu, comme Jean-Pax Méfret, le chanteur préféré de l’extrême droite, ou Anne Méaux, la communicante qui conseille une partie des patrons du CAC 40 ; ou encore, une délégation de l’hebdomadaire Valeurs actuelles. Personne ne remarque cet homme en blouson de cuir et casquette sur la tête, qui évite les photographes : Sylvain Tesson est venu rendre un dernier hommage à Jean Raspail.
*
Leur tour du monde, Tesson et Poussin l’ont en partie financé grâce à une bourse de 10 000 francs (1 520 euros) attribuée par la Guilde européenne du raid. L’association fondée en 1967 est une confrérie d’explorateurs et d’aventuriers, confirmés ou débutants. La liste des membres de son comité d’honneur a de quoi faire rêver le jeune Tesson : Jean Raspail ; Paul-Émile Victor, l’explorateur polaire ; Pierre Schoendoerffer, le réalisateur de films de guerre et d’aventure (La 317e Section, Le Crabe-Tambour...) ; Roger Frison-Roche, l’alpiniste ; en son temps, le dessinateur Hergé figurait dans la liste.
Parmi les membres légendaires de la Guilde, on trouve aussi le journaliste et aventurier Philippe de Dieuleveult, animateur de l’émission « La Carte au Trésor » sur Antenne 2, disparu dans des circonstances mystérieuses dans les rapides du fleuve Congo en 1985. La Guilde ne se contente pas d’organiser des raids sportifs dans des contrées reculées. Ses missions humanitaires lui ont valu d’être reconnue d’utilité publique en 1981. Par un gouvernement de gauche, soulignent depuis lors ses dirigeants, agacés que leur association traine la réputation d’attirer surtout des aventuriers de droite.
En 2018, Tesson, devenu président de la Guilde, préfacera un ouvrage sur l’histoire de l’association. Il y entretiendra la légende du fondateur, Patrick Edel, un gamin grandi en pleine guerre d’Algérie. « Trop jeune pour la Résistance, il intégra un commando de l’OAS », résumera Tesson, comme s’il était tout naturel de rejoindre cette organisation clandestine et terroriste pro-Algérie française. Edel sera incarcéré. « Un garçon qui rêva d’honneur et de fidélité derrière les murs d’une prison pendant que les bourgeois de son âge préparaient les molles barricades de Mai 68 », traduira Tesson dans la même préface.
À la Guilde, on croise des anciens de l’OAS mais aussi des anciens du « solidarisme », un courant d’extrême droite musclé. À la faveur des missions humanitaires menées par la Guilde, des baroudeurs découvrent le Liban ou l’Afghanistan. La direction de l’association ferme les yeux lorsqu’ils reviennent y faire le coup de feu, aux cotés des phalangistes chrétiens au Liban, et des moudjahidines luttant contre l’occupant communiste en Afghanistan.
*
Le 26 novembre 1996 à l’heure du déjeuner, Sylvain Tesson fait ses débuts d’animateur sur Radio Courtoisie. Bienvenue dans le « Libre journal de l’aventure », une émission d’une heure et demie à retrouver chaque dernier vendredi du mois. Pour le générique, Tesson a choisi un air de cornemuse, « Skye Boat Song », un morceau traditionnel écossais. Il a invité un ethnologue qui a ramé sur des fleuves de l’ex-URSS, de la Baltique à la mer Noire, dans une reconstitution de bateau viking, et une jeune journaliste de retour du fin fond de l’Iran.
Avant que Tesson prenne l’antenne, on a diffusé le message rituel. Une voix a rappelé aux auditeurs que la station vivait de leurs dons, et qu’elle était « la radio libre du pays réel et de la francophonie ». Les francophones de Radio Courtoisie, ce sont ceux qui n’ont pas besoin de traduction quand on leur parle de « pays réel ». Ils connaissent le concept popularisé par Charles Maurras, l’idéologue nationaliste, antirépublicain et antisémite de l’Action française : le « pays réel », ce peuple droit et travailleur, contre le « pays légal », cette république illégitime.

Courtoisie n’émet qu’à Paris et dans cinq villes de province. C’est une petite radio, mais elle a ses grandes voix. Comme le vieil historien Pierre Chaunu, membre de l’Institut, connu par ailleurs pour son opposition au droit à l’avortement, nouvelle preuve de la décadence de l’Occident. Comme l’ancien officier de marine Pierre Guillaume, un de ces aventuriers qu’admire Tesson – sa vie a inspiré Le Crabe-Tambour, le film de Pierre Schoendoerffer – et qui, accessoirement, a participé au putsch des généraux pro-Algérie française en 1961 et rejoint l’OAS. On peut encore écouter Jean-Gilles Malliarakis, un militant passé par les groupuscules les plus musclés de l’extrême droite, Occident, Ordre nouveau et Troisième Voie, ou Serge de Beketch, l’ancien directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Minute.
Le 20 décembre 1996, un mois après sa première émission, Sylvain Tesson reçoit de nouveaux invités. Ils ont traversé, respectivement, l’Atlantique Nord en kayak et le Sahara en 4L, la petite voiture de Renault. Tesson lui-même prépare une nouvelle expédition : avec Alexandre Poussin, il veut traverser la chaîne de l’Himalaya d’est en ouest à pied, 4 500 kilomètres, en six mois. En mars 1997, peu avant le départ vers l’Asie, Jean Ferré invite Sylvain Tesson dans sa propre émission. Il invite aussi le père, Philippe, qui exprime à l’antenne son « admiration » et sa « tendresse » pour son aventurier de fils.
Le patron de Radio Courtoisie et les auditeurs qui laissent des messages au standard s’inquiètent. Sylvain Tesson est myope, que fera-t-il s’il casse ses lunettes sur la route ? Pas de souci, il emportera deux paires. Son sac ne sera-t-il pas trop lourd ? Tout est prévu, ça ne pèsera pas plus de six kilos. « Quand établirez-vous le contact avec nous et d’où ? », s’interroge surtout Ferré. Promis, même dans l’Himalaya, Tesson n’oubliera pas les auditeurs.
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Après ce voyage dans l’Himalaya, la carrière de Sylvain Tesson décolle. Le voyage a été filmé ; le documentaire de Tesson et Poussin, La Marche dans le ciel, est diffusé dans le magazine « Montagnes » sur France 3 ; les deux amis se voient ensuite confier la présentation de l’émission. Tesson arrête là sa brève carrière d’animateur sur Radio Courtoisie.
Il fréquente encore le studio du boulevard Murat pendant plus de dix ans, comme simple invité. Il vient notamment promouvoir ses livres dans « Le Livre du jour », l’émission de la journaliste Anne Brassié, une des premières à avoir repéré et salué le talent du jeune homme. Animatrice historique de Radio Courtoisie, elle a aussi été l’auteure d’une biographie du collabo Robert Brasillach et collaboratrice de l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol. Puis Tesson aurait décliné les invitations de Radio Courtoisie. Brassié situe ce changement d’attitude autour de 2011, l’époque où l’écrivain voyageur change de statut : il signe chez Gallimard, il publie Dans les forêts de Sibérie, son récit de six mois d’ermitage dans une cabane au bord du lac Baïkal, et obtient le prix Médicis essai. « Des attachés de presse ont dû lui dire : “Si tu veux être édité chez Gallimard, il faut sortir de ça”, suppose Brassié.
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Le 21 mai 2013 en fin de journée, Sylvain Tesson atterrit à Paris. Il rentre d’un voyage au Maroc avec sa compagne de l’époque, l’écrivaine Bénédicte Martin. C’est dans le taxi qui les ramène de l’aéroport qu’il apprend la nouvelle, raconte-t-elle. La radio est allumée. On annonce qu’un homme de 78 ans s’est suicidé dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il s’est tiré une balle dans la bouche devant l’autel, au milieu des touristes. Il s’appelait Dominique Venner. C’était, explique-t-on à la radio, un militant et écrivain d’extrême droite. « Sylvain avait l’air bouleversé, comme s’il avait perdu un proche, se souvient Bénédicte Martin. Il n’a pas de portable, et il m’a demandé le mien. Il a essayé d’appeler son père, qui était sur répondeur. Il m’a expliqué que Dominique Venner était un ami de son père et que, lui aussi, il le connaissait. »
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Dominique Venner était inconnu du grand public, et même des militants de base du Front national. Il incarne l’extrême droite radicale et identitaire. Il a l’aura d’un moine-soldat. Au début de la guerre d’Algérie, il s’engage volontairement dans l’armée pour combattre dans les djebels. De retour en métropole, il rejoint Jeune Nation, un mouvement néofasciste, responsable entre autres de la mise à sac et de la tentative d’incendie des sièges du Parti communiste et de L’Humanité en 1956.
À la fin de la guerre, Venner séjourne dix-huit mois en prison pour un projet d’attaque armée contre le palais de l’Élysée. Il passe ensuite par les laboratoires de la Nouvelle Droite : la revue Europe-Action dans les années 1960, le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (Grece) dans les années 1970. Il renonce au militantisme et se retire dans sa maison de Normandie, au milieu des bois, pour méditer et écrire.
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Philippe Tesson, le père de Sylvain, et Dominique Venner racontaient à leurs proches la même histoire : ils auraient fait connaissance sous l’Occupation. Tesson, né en 1928, passe la guerre entre la Picardie, sa région natale, et Paris, où il est envoyé en pension au collège privé Stanislas. Venner, de sept ans son cadet, vit à Paris avec ses parents. Il connaît ses premiers émois. Dans ses carnets intimes, il se souvient de « [son] adhésion esthétique au fascisme, [son] admiration enfantine et définitive pour le soldat allemand, pour l’homme allemand cambré dans le combat mortel qui l’opposa au monde bourgeois. » Parfois, on l’envoie prendre l’air à la campagne, en région parisienne ou encore en Normandie. C’est lors d’un de ces séjours qu’il aurait croisé Philippe Tesson.
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À l’été 2017, Sylvain Tesson reçoit chez lui un journaliste et un photographe de Paris Match. L’objet de leur reportage, c’est la bibliothèque de « l’écrivain baroudeur ». Le journaliste remarque dans les rayonnages, « serrés l’un contre l’autre, Héraclite et Lucky Luke, Apollinaire et le manuel d’entretien d’une motocyclette ukrainienne », mais aussi « deux mètres linéaires » réservés à Ernst Jünger. Tesson prend la pose devant sa bibliothèque.
Les photos de Paris Match laissent à peine deviner le haut de la bibliothèque. Pourtant, un détail accroche l’œil. Dans le rayonnage le plus élevé, les tranches de quelques livres rappellent quelque chose. Il faut zoomer pour identifier leurs titres. C’est bien ça : La Division Charlemagne, La Brigade Frankreich, les deux tomes de La Division Wiking. On ignorait que Tesson était lecteur de Jean Mabire (1927-2006), un écrivain d’extrême droite principalement connu pour ses livres sur l’histoire des SS.
Comme son ami Dominique Venner, Mabire est une des grandes figures de la Nouvelle Droite. Comme lui aussi, c’est une connaissance d’enfance de Philippe Tesson, le père de Sylvain : pendant la guerre, ils étaient tous les deux pensionnaires au collège Stanislas, à Paris. Mabire, journaliste de profession, anime avec Venner la revue d’extrême droite Europe-Action au milieu des années 1960, puis rejoint le Grece.
*
Zoomons à nouveau sur la photo de Paris Match. Dans la bibliothèque de Tesson, à côté des livres de Mabire, on repère J’ai choisi la bête immonde, une autobiographie politique publiée en 2000 par Martin Peltier, ce journaliste passé du Quotidien de Paris au FN et à l’hebdomadaire National Hebdo, un temps contributeur de la revue néo-hussarde Rive droite. Peltier se souvient qu’au Quotidien de Paris, il avait été chargé par Philippe Tesson de chaperonner les stagiaires, dont son propre fils, Sylvain.
Plus loin dans le rayonnage, voici La Nuit de Jéricho, un roman d’anticipation cosigné en 1991 par Alain Sanders, journaliste au quotidien Présent, et Serge de Beketch, ancien directeur de la rédaction de Minute, vedette de Radio Courtoisie à l’époque où Tesson y animait lui-même une émission. Comme dans Le Camp des saints de Jean Raspail, la France est envahie par des étrangers ; dans cette Nuit de Jéricho, en revanche, de courageux résistants prennent les armes et affrontent les envahisseurs. Quelques livres plus loin, on découvre une autre curiosité : Race et identité, un essai publié en 1977 aux Éditions Copernic, la maison d’édition du Grece.
*
Début 2018, trois représentants du Grece et de la Nouvelle Droite montent justement chez Sylvain Tesson. L’écrivain occupe un duplex aménagé sous les toits dans une rue touristique du 5e arrondissement ; de sa terrasse, il a vue sur la cathédrale Notre-Dame, toute proche. Il revient d’un voyage, il s’apprête à repartir pour un autre : au Tibet, à la recherche de la panthère des neiges. En attendant, il a accepté d’accorder une interview à Éléments pour la civilisation européenne, plus communément appelé « Éléments » tout court : le magazine de la Nouvelle Droite, un bimestriel vendu en kiosques.
Tesson prépare un café. Il pose sur la table basse une boîte de cigares Montecristo. Alain de Benoist préfère tirer sur sa cigarette électronique. Le théoricien historique de la Nouvelle Droite a alors 75 ans. Dans la famille Tesson, il a connu le père, Philippe, à l’époque du quotidien Combat. C’est la première fois, assure-t-il, qu’il rencontre le fils. Il s’en réjouit. « J’ai une admiration pour ses exploits physiques, et il se trouve qu’il a en outre un style absolument superbe », explique de Benoist.
Tesson, se félicite-t-il, serait un lecteur attentif d’Éléments : « Il n’est pas de la Nouvelle Droite, mais il est proche. Il nous envoie des petites marques de sympathie, des petits mots pour nous féliciter de tel ou tel numéro. À une autre époque, on aurait dit qu’il était un compagnon de route. » L’époque en question, c’est l’après-guerre, lorsque des intellos et des artistes compagnonnaient avec le Parti communiste.
*
Éléments revendique 15 000 ventes par numéro. Il a été lancé en 1973 pour diffuser auprès du grand public les thèses du Grece : un magazine d’intellos d’extrême droite, au ton austère mais aux couvertures accrocheuses. […] Rien, cependant, ne vaut une célébrité. Éléments a déjà pu afficher en couverture Patrick Buisson, l’ancien conseiller très à droite de Nicolas Sarkozy, ou le philosophe Marcel Gauchet, catalogué au centre gauche mais persuadé que « la bien-pensance engendre la crétinisation ». Sylvain Tesson, c’est autre chose : une star, une vraie, adorée à droite comme à gauche. Jamais Éléments n’a obtenu la caution d’une personnalité aussi mainstream. C’est un « coup », comme on dit dans la presse.
La rédaction de Mediapart

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Posté : 31 mars 2023 7:41
par bub
Ca donne pas vraiment envie de lire "les chemises noirs" de sylvain tesson...

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Posté : 31 mars 2023 9:25
par bub
« Le talent est une fiction » Samah Karaki
Dans la catégorie « kill your idols » le livre se pose là. Il dépoussière avec talent (ah ah) le vieux débat inné-acquis à l’aune des neurosciences. Après une longue introduction pour expliquer les objectifs (en gros, à bas la méritocratie) le livre pose les questions suivantes : le talent dans les gènes ? le talent dans la sueur ? le talent dans la perception ? en enfin une longue conclusion décevante vers des nouveaux récits (en gros démanteler la hiérarchie des intelligences, des diplômes, de l’estime… ça aurait été démanteler la hiérarchie tout court, la fin aurait été clairement plus ambitieuse – mais bon on peut pas tout avoir…). Quelques idées phares :
- l’expression de l’inné est une chimère, ça y fait très peu. Le bagage génétique arrive à s’exprimer dans un environnement stable et privilégié : tu es homme blanc hétéro valide avec une famille riche (avec des thunes et de l’affection) là, à la limite on peut faire la différence entre un bâtard intelligent (bagage polygénétique riche) et un dégénéré de race pure (mariage consanguin au faible bagage génétique).
- les 10 000 heures de travail pour arriver à l’excellence, ça y fait mais pas trop. D’abord il faut 10 000 heures où l’attention est à son maximum mais ensuite il faut le capital économique et socio culturel qui va avec (voir le point ci-dessus). On ne devient pas un génie tout seul, il y a un environnement social familial invisible qui va avec. Derrière la figure du génie, de l’artiste, il y a une femme, une mère qui gère les problèmes annexes. Bref il s’agit toujours d’une réussite collective là où la société glorifie les individus. Autre idée chouette, le cerveau est plastique à tout âge, donc apprendre, c’est tout au long de la vie.
- la croyance, les prophéties auto réalisatrices, l’effet Pygmalion ça y fait aussi. Il vaut mieux avoir une mentalité de croissance (émancipation) avec une perception des objectifs plutôt qu’une mentalité fixe (conservateur) avec une perception de l’effort. En gros, il faut cultiver l’échec car c’est un facteur d’apprentissage. Mais encore une fois, on n’est pas vraiment libre d’agir comme on veut car le contexte est trop important. L’effet des stéréotypes collectifs a tous niveaux (sexisme, racisme, validisme etc…) est énorme.
Et encore je n’ai pas parlé du hasard qui est aussi un facteur déterminant. (la chance, la coïncidence, la bonne rencontre, né au bon endroit etc…).
Bref, donc la prochaine fois qu’on croise une idole, un mec trop génial, la win totale, il faut se rappeler que ce n’est pas lui mais la société qui l’a construit, trop de veine. Pareil pour une pauvre fille, un abruti, la loose totale, iel a été construit dans un environnement délétère, pas de bol. Voilà qui permet de déconstruire pas mal de choses. La responsabilité individuelle de ce qu’on est et ce qu’on devient est quand même très faible.
De quoi apporter de l’eau au moulin : abolition des prisons, des forces sécuritaires, des structures hiérarchiques, etc… enfin a-t-on encore besoin d’argumenter ?
En gros, le bouquin est très chouette si on oublie l’intro et la conclusion. Je me souviens pas d’avoir lu un bouquin aussi synthétique sur la question.

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Posté : 31 mars 2023 20:45
par Yanic
Merci Chéribibi pour l'article.
J'imagine que sous peu, il va donner une longue interview à un média complaisant pour faire sa victime, dire "mais enfin, on ne saurait m'accuser d'avoir des sympathies pour la vieille extreme-droite bien rance, la moitié de mes admirateurs sont des écolos ! Et je suis invité à la matinale de France Inter ! J'ai moi-même un ami communiste !"
Tant mieux s'il sent le vent du boulet se rapprocher, ses prochaines interventions médias risquent d'être amusantes s'il veut conserver son lectorat !

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Posté : 02 avr. 2023 10:27
par Nhuman punk
ces derniers temps, j'ai réussi à finir Q comme complot gros pavé chez lux, très bon livre sur les théories du complot de wu ming, après j'ai pas mal lutté sur certains passages ça me perdait un peu tout le language lié à internet et les chapitres sans ponctuation hehe

J'ai lu aussi ce très bon polar d'alan parks chez rivages noirs, l'enfant de février histoire de meurtres dans le glasgow des années 70 qui Melle joueur du celtic glasgow, flic pédophile, mafia et enquêteur fêtard...

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et là j'ai fini une vie de luttes plutôt qu'une minute de silence au seuil sur l'antifascisme en france, c'est bien documenté et vraiment intéressant, le titre comme le sous titre peuvent faire penser à une enquête opportuniste ou de journalisme à sensation mais ça fait plaisir de voir des témoignages de gens impliqué-es et pas une vision type cnews ou figaro de l'antifascisme. Un bon boulot de sebastien bourdon qui écrit dans médiapart.
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Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Posté : 05 avr. 2023 12:18
par kolonel muller
bub a écrit :
31 mars 2023 9:25
« Le talent est une fiction » Samah Karaki
Dans la catégorie « kill your idols » le livre se pose là. Il dépoussière avec talent (ah ah) le vieux débat inné-acquis à l’aune des neurosciences. Après une longue introduction pour expliquer les objectifs (en gros, à bas la méritocratie) le livre pose les questions suivantes : le talent dans les gènes ? le talent dans la sueur ? le talent dans la perception ? en enfin une longue conclusion décevante vers des nouveaux récits (en gros démanteler la hiérarchie des intelligences, des diplômes, de l’estime… ça aurait été démanteler la hiérarchie tout court, la fin aurait été clairement plus ambitieuse – mais bon on peut pas tout avoir…). Quelques idées phares :
- l’expression de l’inné est une chimère, ça y fait très peu. Le bagage génétique arrive à s’exprimer dans un environnement stable et privilégié : tu es homme blanc hétéro valide avec une famille riche (avec des thunes et de l’affection) là, à la limite on peut faire la différence entre un bâtard intelligent (bagage polygénétique riche) et un dégénéré de race pure (mariage consanguin au faible bagage génétique).
- les 10 000 heures de travail pour arriver à l’excellence, ça y fait mais pas trop. D’abord il faut 10 000 heures où l’attention est à son maximum mais ensuite il faut le capital économique et socio culturel qui va avec (voir le point ci-dessus). On ne devient pas un génie tout seul, il y a un environnement social familial invisible qui va avec. Derrière la figure du génie, de l’artiste, il y a une femme, une mère qui gère les problèmes annexes. Bref il s’agit toujours d’une réussite collective là où la société glorifie les individus. Autre idée chouette, le cerveau est plastique à tout âge, donc apprendre, c’est tout au long de la vie.
- la croyance, les prophéties auto réalisatrices, l’effet Pygmalion ça y fait aussi. Il vaut mieux avoir une mentalité de croissance (émancipation) avec une perception des objectifs plutôt qu’une mentalité fixe (conservateur) avec une perception de l’effort. En gros, il faut cultiver l’échec car c’est un facteur d’apprentissage. Mais encore une fois, on n’est pas vraiment libre d’agir comme on veut car le contexte est trop important. L’effet des stéréotypes collectifs a tous niveaux (sexisme, racisme, validisme etc…) est énorme.
Et encore je n’ai pas parlé du hasard qui est aussi un facteur déterminant. (la chance, la coïncidence, la bonne rencontre, né au bon endroit etc…).
Bref, donc la prochaine fois qu’on croise une idole, un mec trop génial, la win totale, il faut se rappeler que ce n’est pas lui mais la société qui l’a construit, trop de veine. Pareil pour une pauvre fille, un abruti, la loose totale, iel a été construit dans un environnement délétère, pas de bol. Voilà qui permet de déconstruire pas mal de choses. La responsabilité individuelle de ce qu’on est et ce qu’on devient est quand même très faible.
De quoi apporter de l’eau au moulin : abolition des prisons, des forces sécuritaires, des structures hiérarchiques, etc… enfin a-t-on encore besoin d’argumenter ?
En gros, le bouquin est très chouette si on oublie l’intro et la conclusion. Je me souviens pas d’avoir lu un bouquin aussi synthétique sur la question.
Merci pour ce résumé ! C'est vraiment intéressant toutes ces questions...