le mythe du flic casseur...

Le punk n'est pas qu'une musique ! Ici on discute de l'actualité, des manifs et des résistances en lien direct avec notre culture. "Make punk a threat again", ça vous dit encore quelque chose ?!
NEMROD
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le mythe du flic casseur...

Message par NEMROD » 20 nov. 2010 9:30

Retour sur le buzz autour des soit-disant « flics-casseurs » et de ses
tristes conséquences.

Tout commence par une situation de manif tristement banale, le 16
octobre 2010 à Paris, qui aurait pu n'être qu'anecdotique et vite
oubliée : celle d'un « bon citoyen » s'improvisant défenseur de la
vitrine d'un institut bancaire, et ceinturant un manifestant en train
d'y exprimer sa colère ; d'autres manifestant-e-s accourent pour le
libérer, pendant que les flashs, se ruant comme des mouches sur la scène
au premier son de verre brisé, sont vivement repoussés. C'est arrivé
cent fois, hélas, et ça ne semble pas prêt de s'arrêter.

Si nous en parlons, c'est qu'à partir de quelques images confuses
largement diffusées, tout le monde ou presque a su se faire mousser :
les médias en ont fait du sensationnel dans l'instant, permettant à
quelques centaines d'internautes d'étaler à longueur de commentaires
leur très fertile imagination, suivis de près par les directions
syndicales, voyant là un bon filon pour isoler les formes les plus
déterminées de la contestation, jusqu'à la police - cerise sur le gâteau
- qui aurait eu tort de ne pas profiter de la situation pour redorer son
blason !

Quid des manifestants pris à partie dans cette histoire ? L'un deux,
après s'être fait traîner dans la boue par toutes les parties précitées
- « casseur » pour les uns, « flic infiltré » pour les autres - est
aujourd'hui en prison ! Comment en est-on arrivé là ? C'est précisément
cette situation absurde qui impose, nous semble-t-il, quelques rappels
et clarifications.

FANTASMES, MANIPULATION...

la formule n'est pas nouvelle ; chaque fois ou presque que la tension
monte d'un cran, que les défilés débordent, qu'un conflit social se
matérialise dans l'affrontement avec la police et l'attaque d'emblèmes
du pouvoir et du capitalisme (banques, panneaux de pub, supermarchés,
préfectures, commissariats... les cibles ne manquent pas !), on entend
la même rengaine : ces actions « décrédibiliseraient » le mouvement,
n'auraient rien à voir avec les manifestations, seraient l'œuvre de «
casseurs », « infiltrés » dans nos rangs, voire de flics en civils
poussant aux débordements !

Ces affirmations ont beau être absurdes, elle ne sont pas dues au hasard.
Elles sont le fruit d'un discours élaboré sciemment, d'une propagande
mensongère dans laquelle se rejoignent en pratique ceux qui s'opposent
symboliquement : directions syndicales et gouvernements. Si les
centrales syndicales prétendent représenter la contestation, elles
cherchent surtout à lui dicter rythme et ton, n'ayant de cesse de
modérer la colère des premier-e-s concerné-e-s, dans une logique de
pouvoir et d'auto-préservation (assurer sa respectabilité, pour être
invitées de choix à la table des négociations). L'histoire des combats
ouvriers le montre tristement, à qui veut bien s'y intéresser.

Il n'est pourtant pas besoin de remonter très loin pour vérifier combien
les victoires (comme le retrait du CPE en 2006) sont systématiquement le
fruit d'une articulation entre mobilisations d'ampleur et généralisation
des actes de désobéissance et de confrontation (blocages, séquestrations
de patrons, sabotages, défense et offensives contre la police, casse,
etc.). S'il ne s'agit pas de nier l'importance des grandes
manifestations, force est de constater qu'elles n'ont, seules, rien
donné jusqu'à présent, car c'est justement la perspective du dépassement
des mots d'ordres syndicaux, la grève illimitée et le blocage de
l'économie, l'insoumission généralisée et la jonction avec la colère
couvant dans les cités dont l'État a explicitement peur !

Dès lors, pour brider la colère des participant-e-s et assurer l'ordre
dans les rangs, rien de tel qu'un épouvantail : le « casseur », défini
par contraste avec le « manifestant ». Le premier serait un barbare
opportuniste s'immisçant dans un mouvement qui n'est pas le sien, le
second un citoyen respectable exprimant son indignation démocratiquement.
L'enjeu est clair : marteler par tous les moyens cette distinction
imaginaire, diviser pour mieux régner, quand bien même la réalité ne
cesse de mettre le mythe en défaite, des ouvrier-e-s de Continental
saccageant la sous-préfecture de Compiègne aux syndicalistes de
Charleville caillassant flics et locaux de l'UMP, en passant par
quantité de lycéens, lycéennes et déscolarisé-e-s qui, sortant dans la
rue pour manifester, refusent de se laisser disperser et répondent aux
agressions des policiers.

... ET INFILTRATION !

il est clair que le mouvement actuel dépasse le seul cadre des retraites,
et que pour bien des gens, cette réforme constitue la goutte d'eau les
poussant à (ré)agir ; pour les sans-papiers, Rroms, jeunes issus des
quartiers populaires, et quantité d'autres exploité-e-s... cela ne
constitue qu'une attaque supplémentaire, qu'un pas de plus dans
l'inacceptable. De là, part une colère singulière, à laquelle vient
s'ajouter le ras-le-bol de tou-te-s celles et ceux qui, épuisé-e-s par
la cécité et la surdité du gouvernement, sentent qu'il est nécessaire de
déborder les cadres usés de la contestation (en)cadrée.

Or, si les flics en civil ont toujours été de tous les cortèges, il est
évident que le contexte a bien des raisons de les mobiliser. C'est que
ça pète un peu par ci, par là, de tous les bouts ; contrairement à ce
que nous assène la propagande, les fameux « casseurs » sont partout :
jeunes ou vieux, profs comme élèves, travailleurs et travailleuses
syndiqué-e-s ou non, chômeurs/chômeuses ou salarié-e-s... les «
populations à risque » ne cessent de se multiplier. Mais quand le
spectre de cette « délinquance », agité quotidiennement au JT, ne suffit
plus à l'endiguer, il faut du chiffre et des peines de prison pour
dissuader.

Alors il en faut beaucoup, des flics, pour suivre pas à pas tout ce
monde là ; à commencer par les plus déterminé-e-s, les plus énervé-e-s,
mais aussi par les plus stigmatisé-e-s ; outre les « jeunes de banlieues
», les dits « anarcho-autonomes » constituent un élément de choix,
désignés comme « ennemis intérieurs » au terme de procédures
antiterroristes bidons.
Prendre en photo, observer, écouter, cartographier des vies, des
affinités... mais aussi sortir un brassard (ou pas) au moment opportun,
pour ramasser les copines, les copains, et les gens qui traînaient par
là à ce moment là... voilà le sale boulot des flics infiltrés. Réprimer
la révolte, à défaut de pouvoir la tuer dans l'œuf, et non pas... la
provoquer ! Il suffit d'avoir participé à quelques situations émeutières
pour réaliser combien les flics peuvent être vite débordés et peiner
pour regagner le terrain !

En conséquence, savoir que les manifs grouillent de flics est une chose,
et il est normal d'être méfiant-e - qu'ils se déguisent avec des
autocollants CGT ou même CNT n'a par ailleurs rien de nouveau, n'en
déplaise à Bernard Thibaut -, mais il importe, aussi, de faire preuve
d'un brin de discernement. Car quand ceux et celles qui agissent de
manière plus directe en manif sont accusé-e-s d'être des flics
déguisé-e-s en manifestant-e-s, c'est le pouvoir qui est content (au
delà des indignations des dirigeants et policiers, qui ne peuvent se
permettre de laisser penser que la police ment, ceux-ci savent aussi en
profiter) !
Mettre dos à dos flics et « casseurs », outre que cela est infamant,
c'est contribuer directement à la propagande pacificatrice menée
parallèlement par les directions syndicales et le gouvernement, c'est
neutraliser ces autres possibilités d'action, qui seront dès lors
accueillies avec suspicion, et c'est isoler ceux et celles qui se font
prendre (puisque ça, les flics le font !), en substituant le doute à la
solidarité. En bref, c'est faire le jeu du pouvoir, qu'on le veuille ou
non !

DE « NINJAS » ET DE « VIEUX CONS »

Ceci étant dit, revenons à notre « situation de manif tristement banale,
le 16 octobre 2010 à Paris ». Ni anecdotique, ni vite oubliée, hélas,
puisque quantité de spécialistes auto-proclamés se sont depuis succédé,
pour prouver qu'un manifestant en particulier - le « camarade ninja » -
(ainsi que nous choisirons de l'appeler) n'était autre qu'un flic. Quant
à nous, nous ne tenterons pas de « prouver » le contraire : rien ne
semble pouvoir faire taire les conspirationnistes les plus averti-e-s,
et il n'est pas de notre souhait de faciliter le travail des policiers,
en versant quelque élément au dossier. Nous nous contenterons donc de
rappeler des faits, et de dire ce que notre subjectivité d'individus
engagés dans des luttes, ici et ailleurs, depuis des années, a vu dans
la fameuse séquence de l'agence Reuters, si regardée, si commentée.

Retour au 16, donc, à la dispersion de la manif syndicale : autour d'une
banderole « contre l'exploitation, bloquons l'économie », un millier de
personnes part en manifestation sauvage de Nation, malgré l'intervention
du service d'ordre de la CGT (tristement connu pour ses exactions, et
notamment le tabassage de sans-papiers) qui tente de limiter le
débrayage (on peut certainement dire de ce SO qu'il fait objectivement
le travail des flics, mais nous nous garderons bien de parler
d'infiltration !).
Plusieurs centaines de personnes réussissent néanmoins à passer, et
accélèrent en direction de Bastille, au rythme de divers slogans. Les
flics croisés sont tenus en respect par des jets de pétards, alors que
tags et pochoirs revendicatifs fleurissent sur les murs des banques et
de la préfecture de police situés sur le chemin. Ça court, ça crie, ça vit.

Évidemment, pas mal de journalistes avec force flashs et caméras sentent
qu'il peut y avoir de l'action, et se tiennent à l'affût des premières
poubelles renversées. La vidéo dont il est ici question commence à
hauteur d'une banque, quand un « homme à capuche » entreprend d'en
briser la vitre avec un poteau. Un monsieur, la cinquantaine, que nous
appellerons « vieux con » par simplicité, est assis en terrasse non loin
de là, et sirote une boisson en famille, revenant de la manifestation.
Non content d'avoir pu manifester plusieurs heures à sa manière sans que
personne ne vienne l'emmerder, cette seconde manifestation semble
éveiller en lui une âme policière, puisqu'il se dirige vers l'« homme à
capuche » en lui criant « arrête, pauvre con ! », avant de le ceinturer.

« Camarade ninja » fait alors irruption, masqué et équipé de ce qui
semble être un bâton. Il repousse « vieux con » d'un habile coup de pied
sauté, puis se lance en direction des objectifs occupés à capturer la
scène, aux cris de « cassez-vous ». Les journalistes reviennent
aussitôt, mais repartent sous la menace du bâton. Pendant ce temps,
d'autres gens sont occupés, en arrière plan, à faire lâcher prise à «
vieux con », qui semble ne pas vouloir laisser l'« homme à capuche »
tranquille. Coupure. La suite de la vidéo montre la grande fiesta
policière à Bastille, après qu'une quarantaine de personnes aient été
interpellées par une troupe de flics en civil, ayant soudain sorti
brassards et matraques de sous leurs habits.

C'est tout. Ce que nous avons vu, nous, c'est un manifestant venir en
aide à un autre, alors aux prises avec un citoyen-justicier, puis
dissuader activement les journalistes présents d'enregistrer des images
dont on sait qu'elles facilitent le travail policier, en vue
d'interpellations puis d'inculpations après ce type d'action. On pourra
certes juger que le coup de pied dans le dos était de trop, bien que ce
ne soit notre intention de distribuer les bons et mauvais points, et que
la « victime » ait ensuite précisé dans les médias qu'elle avait été à
peine bousculée, et que personne n'avait cherché à lui faire mal (là où
e bât blesse, c'est que «vieux con » semble y voir un argument
supplémentaire en faveur de la thèse des policiers infiltrés ; on
réalise combien le monde est à l'envers pour certains, quand la qualité
de manifestant-e-s est mise en doute du fait qu'un passant, même chiant,
n'ait pas été tabassé par ces dernier-e-s, alors que les flics, eux,
offrent des fleurs, comme chacun-e sait !).

Quoi qu'il en soit, à partir de ces quelques images seulement, les
esprits se sont échauffés : le coup de pied sauté devient la preuve d'un
flic « venant en secours à un collègue occupé à casser » ; le bâton tenu
comme une batte de baseball devient « matraque policière » ;
l'efficacité du « camarade ninja » une preuve de son professionnalisme
et de son appartenance au corps de métier incriminé ; l'intimidation des
journalistes mitraillant les protagonistes (dont certains ne semblent
pas masqués) devient « opération de maintien de l'ordre » ou «
sécurisation du périmètre » ; enfin, les journalistes deviennent des
manifestant-e-s, que le « camarade ninja » aurait tenté de repousser, en
bon flic infiltré (seul contre tous !). Évidemment, l'intervention
brutale des vrais flics en civil en fin de manifestation n'arrange rien
au cafouillage...

On en serait bien resté là. À quelques théories complotistes sur
Internet, qui ne datent pas d'hier. Mais l'ampleur du « débat » autour
de l'identité et des mobiles du « camarade ninja » jusque sur Indymedia
nous a contrarié-e-s. Plus encore quand journaux et syndicats en ont
fait leurs choux gras. La police accusée de faire ce contre quoi elle
s'escrime, ça n'allait pas passer... et ce n'est pas passé ! Une semaine
plus tard, les flics arrêtaient un camarade lors de la perquisition en
grande pompe d'un squat politique du XXe arrondissement. De quoi
présenter un trophée (estampillé « anarcho-autonome », qui plus est !)
lavant la police de tout soupçon, et décrédibilisant du même coup la
parole contestataire contre cette même police, dès lors qu'elle s'élève
contre les violences bien réelles que la police commet tous les jours,
depuis toujours, puisque telle est sa fonction. Beau cadeau fait à la
flicaille que celui de l'absolution !

Alors, serait-ce les « casseurs » qui décrédibilisent le mouvement ? Ses
« représentants » ne se décrédibiliseraient-ils pas seuls ? Évidemment,
il ne nous appartient pas de dire si la personne arrêtée et « camarade
ninja » ne font qu'un, et à vrai dire, cela n'importe pas. Ce qui
importe, selon nous, c'est que le buzz spectaculaire et l'alimentation
de rumeurs et fantasmes sans éléments tangibles n'a eu à priori que des
conséquences désastreuses... dont l'incarcération de quelqu'un !

ET MAINTENANT ?

Ce texte vise notamment à inciter toutes les personnes hostiles à la
répression, mais qui ont néanmoins accrédité ou cru la thèse de «
flics-casseurs » à se reposer la question sur les conséquences, à court
et moyen terme, de cette affaire.

Au delà du fait qu'un camarade ait été jeté en prison, l'enjeu, pour le
mouvement actuel comme pour tous les mouvements à venir, est de ne pas
céder à la paranoïa, à la culture de la rumeur et aux théories du
complot, sauf à vouloir participer de la criminalisation et de
l'exclusion des formes les plus vives et nécessaires de la contestation.

En outre, le slogan aberrant « flic-casseur », tel qu'on l'a vu scandé
dans de très récentes manifestations, est à même d'encourager des
comportements pour le moins effrayants. S'il est désormais considéré que
« casser » en manif relève du comportement policier, alors les flics
n'ont plus qu'à se frotter les mains, puisque leur seront livré-e-s les
émeutier-e-s par des manifestant-e-s persuadé-e-s de renvoyer à leurs
collègues des infiltré-e-s, faisant très ironiquement le travail de la
police qu'ils entendent ainsi dénoncer et chasser !

À bon entendeur.

Contre l'État, les flics et les patrons, ne lâchons rien !

le 9 novembre 2010, des révolté-e-s d'ici et d'ailleurs :2gunfire:

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Re: le mythe du flic casseur...

Message par Cerise » 07 déc. 2010 20:38

Le "ninja" devant la justice : 6 mois de prison ferme

Le Post, 07/12/2010 à 12h22

"6 mois ferme et 6 mois de sursis avec mise à l’épreuve" : telle est, selon ce que nous confie lundi soir, peu avant 21 heures, un de ses avocats, Maître Devonec, la condamnation dont écope finalement le "ninja." Il devra aussi, selon Les Inrocks, verser les dommages et intérêts demandés par la partie civile.

"C’est beaucoup trop : il n’a fait aucune victime, blessé personne, rien cassé. Je trouve ça injuste", réagit Me Devonec sur Le Post.

Interrogé sur son intention de faire appel, l’avocat du "ninja" répond qu’il y a "peu de chances", dans la mesure où s’il fait appel maintenant, le temps que son client passe devant la cour d’appel correspondra sensiblement avec le moment où il sortira de prison.

Le 16 octobre dernier, en marge d’une manifestation parisienne contre la réforme des retraites, un manifestant encagoulé - rapidement surnommé le "ninja"-, donnait un violent coup de pied dans le dos à un homme qui tentait d’empêcher un individu de défoncer la vitrine d’une agence bancaire, rue Diderot, dans le 11ème.

Peu de temps après l’événement, une rumeur lancinante accusait l’agresseur d’être un "policier déguisé en casseur".

L’identification de cet individu a finalement été rendue possible grâce à cette vidéo qui a fait le tour des médias et du Web :

Jeudi 28 octobre, on apprenait qu’un jeune homme, possiblement ce fameux "ninja", âgé d’une trentaine d’années, avait été interpellé à proximité d’un squat, dans le 20e arrondissement de Paris, et placé en garde à vue. Comme nous l’expliquait alors le parquet de Paris, c’était dans le cadre d’une commission rogatoire et "suite à des événements de mars 2010", notamment des dégradations de distributeurs automatiques de billets et de boutiques. Le parquet nous avait toutefois précisé que "cette personne pourrait également être entendue dans le cadre d’événements récents survenus lors de manifestations." Sous-entendu le 16 octobre rue Diderot...

Une semaine plus tard, le 5 novembre, ce même jeune homme était à nouveau interpellé et placé en garde à vue. Soupçonné d’être l’auteur du coup de pied, il avait été présenté en comparution immédiate le 8 novembre dernier. Une audience reportée à ce lundi. Cependant, le juge l’avait placé, entre-temps, en détention provisoire.

C’est donc un jeune homme détenu depuis un mois à Fleury-Mérogis qui comparaissait lundi après-midi devant la 23ème chambre du tribunal corrrectionnel de Paris.

L’audience s’est ouverte vers 15h30, en présence d’un journaliste du Post.

1. Qui est ce jeune homme ?

Le prévenu a 29 ans, vit à Paris où il change souvent d’adresse, est célibataire et sans emploi. Il touche le RSA. "Je vais travailler. J’ai une proposition d’embauche pour janvier" lâche-t-il en fin d’audience, quand le président lui demande s’il a quelque chose à ajouter. Celui qui souhaite travailler en tant que palefrenier déménagerait alors en province.

Quand, un peu plus tôt, il entre dans le box des accusés, Grégory B. se met à l’aise. De taille moyenne, fin et tout de noir vêtu, il ôte sa grosse veste d’hiver et réajuste le col de son polo. Puis croise les bras, droit et sûr de lui, regard franc, sans stress apparent. Il jette un oeil à la quinzaine de personnes, plutôt jeunes, -autant de jeunes filles que de jeunes hommes-, venues le soutenir.

Assez rapidement, il passe à table, et reconnaît avoir été présent dans la manifestation du 16 octobre et être l’auteur du coup de pied.

Quand l’avocate de la victime demande au prévenu : "A quelle mouvance appartenez-vous ?" L’intéressé lui répond : "Je ne souhaite pas trop m’expliquer là-dessus. Je n’ai pas envie de m’étaler plus que ça sur mes convictions politiques."

Quand on lui demande pourquoi il a refusé le prélèvement ADN, il répond toutefois : "Pour faire passer un message. Ça fait partie des choses lesquelles je lutte. Je suis contre ce genre de fichage."

2. Comment explique-t-il son geste ?

A en croire les explications du jeune homme, qui s’exprime bien et de façon assurée, celui qu’il a frappé dans le dos devrait presque le remercier : "J’ai vu Monsieur Q. (la victime sur la vidéo ndlr) intervenir, et j’ai vite compris, comme je participe souvent à des manifestations, qu’il y avait un risque de lynchage".

Mais pourquoi ce coup de pied ? lui demande alors en substance le président du tribunal. Le prévenu répond, en parlant de la personne qui tentait d’empêcher l’individu de défoncer la vitrine de l’agence bancaire : "J’ai voulu lui faire peur, le faire fuir, pour éviter que ça dégénère, pour éviter qu’il se fasse lyncher." Grégory B. explique aussi avoir "essayé de faire reculer les gens, vu une canette de bière voler, et un fumigène."

Avant de "s’éclipser" selon ses termes : "Quand j’ai vu que les gens l’entouraient (la victime, toujours, ndlr) sur le côté, j’ai compris que ça allait bien se passer. Je me suis remis devant et j’ai essayé d’appeler au calme."

Perplexe quant aux explications du jeune homme, le président l’interroge à nouveau sur les motivations qui l’ont poussé à donner ce coup de pied : "Je n’ai pas voulu lui faire mal" lui répond alors Grégory B., décrivant son geste comme "un coup qui pousse, plus qu’un coup qui frappe", appelant l’assistance à saisir "la nuance."

La fille de la victime a été blessée à la main par une canette de bière.

"Mais pourquoi ne pas avoir utilisé les mains ?" questionne alors une juge. Réponse du jeune homme : "C’était plus simple. Avec les mains, c’est délicat. Je voulais lui faire peur et qu’il réagisse en une fraction de seconde. Les mains, ça prend plus de temps".

Concernant le coup de pied, celui qui reconnaît qu’il avait dans la main "un bâton en fer trouvé juste avant, par terre", reconnaît toutefois que "ça aurait pu faire mal, mais que ce n’était pas le but."

3. Connaît-il celui qui casse la vitrine ?

Quand le président demande à Grégory B. pourquoi, au lieu de frapper cet homme, il n’a pas plutôt empêché l’autre individu de continuer à casser la vitrine, il répond "ne pas s’être inquiété pour lui, qu’il ne connaît pas."

Celui qui déclare "avoir trouvé des gens qu’il connaissait dans la manif" ne connaît pas non plus "ceux qui sont arrivés après".

Toujours recherché par les enquêteurs, ce jeune homme qu’on voit briser la vitrine de la banque n’a toujours pas été interpellé.

A un moment, un des avocates du jeune homme, revient sur les déclarations qui avaient fait suite à la diffusion de la vidéo : "Sans cette photo et les interventions de Messieurs Mélenchon et Thibault, que mon client ne connaît pas et qu’il ne souhaite d’ailleurs pas connaître, nous n’en serions pas là."

4. Qu’en dit la victime principale ?

"Je découvre que j’avais un ange-gardien" a tout d’abord ironisé Monsieur Q. à l’issue des explications de Grégory B. Le jeune homme a souri.

Ce jour-là, Monsieur Q. était en terrasse avec sa femme et sa fille quand il s’est levé "comme un ressort" en voyant le "casseur". Ce n’est "qu’en voyant les images" qu’il dit avoir pris conscience que les "dégâts auraient pu être plus importants."

S’il affirme ne pas souffrir de séquelle physique du coup reçu dans le dos, il déclare avoir été "violemment bousculé." Au début, il n’avait pas peur. "Puis, après avoir reçu le coup, j’ai compris qu’ils étaient deux, puis d’autres sont arrivés" raconte celui qui "s’interrogeait, se demandant si ces personnes se connaissaient."

Ajoutant, comme pour justifier le fait qu’il ait tenté de s’interposer : "Je ne pense pas que le débat sur les retraites a besoin de casseurs, ni de violence." Son avocate a ensuite demandé 1 euro symbolique à titre de dommage corporel, 500 euros à titre de préjudice moral, "qu’il reversera au Secours Populaire."

En toute fin d’audience, Grégory B. revient une dernière fois sur les faits : "C’est regrettable et dommage. Je suis désolé pour Monsieur Q., et surtout pour sa fille."

Les réquisitions, tombées en fin d’après-midi, étaient les suivantes : 2 ans de prison ferme avec maintien en détention du "ninja", plus 2 mois supplémentaires pour refus de prélèvements génétiques. Des réquisitions que les deux avocats du prévenu ont jugées "disproportionnées.""
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Re: le mythe du flic casseur...

Message par Doctor Louarn » 08 déc. 2010 16:45

la peine est effectivement ultra abusée!

:2gunfire:

NEMROD
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Re: le mythe du flic casseur...

Message par NEMROD » 09 déc. 2010 17:30

bah, y aura surement des auxiliaires du ministere de la justice qui viendrons adoucir la detention, cours de francais, peinture sur toile, maniement du baton, mitard etc etc... :2gunfire:

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Re: le mythe du flic casseur...

Message par melvinjunko » 09 déc. 2010 19:08

Une question, trou de balle (tu m'appelles auxiliaire de la justice, tu permets que je t'appelle trou de balle ?), lorsque tu envois les thunes récoltées lors d'un concert de soutien à un preso, tu améliores pas un peu ses conditions de détention ? Tu rends pas la tôle plus vivable pour lui ?

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Re: le mythe du flic casseur...

Message par Starsky » 09 déc. 2010 20:58

Le débat antérieur, je présume, est "il ne faut pas rendre la taule plus vivable, il faut détruire la taule", argument fort louable, et effeuillé de toute naïveté...
Donc, en attendant que le système s'écroule (Cantona, 2012, les Totos en colère), il ne faut pas agir pour améliorer le quotidien d'un incarcéré... C'est donc "mal" (l'anarco-dogmatisme), puisque ça justifie la prison...
Bon. Et faire un atelier, où honnêtement, le but est d'échanger et de faire un chouette projet plus que d'améliorer quoi que ce soit, va à l'encontre de valeurs plus radicales.

Ok...

Bon, bien, puisqu'on est méchant, on va expliquer aux jeunes qu'on ne reviendra pas l'an prochain, parce que c'est pas bien, ils sont en taule à cause de nous et nos BD qui justifient leur incarcération (sinon, les prisons auraient brûlé depuis longtemps; merde, on est cons...).
Puis après tout, il y a des gens, nous leurs expliqueront, qui détiennent une certaine vérité, et qu'il faut les écouter: " ces gens là choisiront à votre place ce qui est bien ou mauvais pour vous, parce qu'après tout, ils ont lu Proudhon, Bakounine, Marx, Debord, Hakim Bey et même parfois Julien Coupat; ils sont à même de prendre des décisions dont les enjeux vous échappent, vous êtes jeunes et pas bien éduqués, puis vous feriez mieux de créer l'émeute! Ah, si ça peut vous convaincre, certains d'entre eux écoutent du Hip Hop, ouais. Et du Hip Hop conscient... ! "

Ok.
Je suis convaincu.
Merci
Modifié en dernier par Starsky le 10 déc. 2010 10:55, modifié 1 fois.

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Re: le mythe du flic casseur...

Message par Acrate33 » 10 déc. 2010 0:28

NEMROD a écrit :bah, y aura surement des auxiliaires du ministere de la justice qui viendrons adoucir la detention, cours de francais, peinture sur toile, maniement du baton, mitard etc etc... :2gunfire:
ouais ! et les réductions de peine faut les refuser ! parceque c'est le système qu'essaye de t'acheter !! :2gunfire: :2gunfire:

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Re: le mythe du flic casseur...

Message par bub » 10 déc. 2010 10:27

Starsky a écrit :Akim Bey et même parfois Julien Coupat; ils sont à même de prendre des décisions dont les enjeux vous échappent, vous êtes jeunes et pas bien éduqués, puis vous feriez mieux de créer l'émeute!
vouais ben en tant que pas bien éduqué tu te poses là d'abord, passque c'est Hakim et pas Akim, une recherche internet t'aurais éclairé direque... Voyou !
Sinon pour le message plus haut, c'est ce qu'on appelle un troll, non ? qui postillonne dans un sujet dérivé... M'enfin, en même temps, ca fait un peu d'animation !
:lecture:

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Alcibiade
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Re: le mythe du flic casseur...

Message par Alcibiade » 10 déc. 2010 10:42

je pense que c'est surtout quelqu'un qui n'a jamais fait de prison et qui ne connait personne de proche en prison (je parle de longue peine).

Je vois ma reum qui est bénévole, visiteuse et prof de français en zonz, et c'est drôle parce qu'elle est contre les prisons, elle est en constant bras de fer avec l'administration, elle participe à l'organisation d'une caisse de solidarité pour les gens qui sortent sans rien, elle témoigne en faveur de ses gars et filles lors des procès, elle fait l'intermédiaire avec les familles qui peuvent pas visiter, achète des vêtement pour les incarcérés, les trimballent quand ils sortent...

Donc le rageux, pose la brochure dans laquelle t'as lu tout ça et va voir ce qui se passe vraiment.

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Starsky
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Re: le mythe du flic casseur...

Message par Starsky » 10 déc. 2010 10:56

bub a écrit :
Starsky a écrit :Akim Bey et même parfois Julien Coupat; ils sont à même de prendre des décisions dont les enjeux vous échappent, vous êtes jeunes et pas bien éduqués, puis vous feriez mieux de créer l'émeute!
vouais ben en tant que pas bien éduqué tu te poses là d'abord, passque c'est Hakim et pas Akim, une recherche internet t'aurais éclairé direque... Voyou !

:lecture:
je ne vois pas du tout de quoi tu cause ! Relis mon post...
;)
(ouais, ça va, ça va... :lol: )

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