Salut
Je suis en prison maintenant depuis quatre semaines – sans aucune raison ! La première semaine, j’ai été détenu à Innsbruck, après que la police ait fouillé pendant quatre heures toute notre maison, dans laquelle vivent ma femme et nos trois enfants. Pendant la fouille de la maison, j’ai dû rester assis menotté dans la cuisine.
Le jeudi 29 mai 2008, j’ai été transféré à la prison de Wr. Neustadt. Wr. Neustadt semble être plutôt plus « confortable » - si un prisonnier peut employer ce mot – comparé à Innsbruck.
La nourriture végane à Wr. Neustadt est bien meilleure qu’à Innsbruck. Pendant toute la semaine passée à Innsbruck, j’ai seulement eu du pain complet, une ou deux fois du riz complet et de la salade dont j’ai dû rincer l’assaisonnement parce que personne n’a pu m’en donner les ingrédients. Lorsque j’ai demandé de la nourriture végane, le fonctionnaire et le médecin m’ont dit : « Ici, c’est une prison, par un centre de remise en forme ! ». Ici, à Wr. Neustadt, ils cuisinent aussi pour les végans. Par exemple, aujourd’hui, nous avons eu du tofu pour la première fois.
Chaque jour en prison est pratiquement identique aux autres. À six heures du matin, les néons s’allument dans les cellules. Nous devons faire nos lits avant sept heures, et pendant la journée nous sommes seulement autorisés à nous allonger sur les lits complètement vêtus et non recouverts d’une couverture. À sept heures, c’est le petit déjeuner. Les végans reçoivent des bananes, du pain complet, de la margarine et de la confiture.
Vers huit heures, les premiers prisonniers sont autorisés à sortir dans la cour – une heure par jour, et c’est la seule heure passée à l’extérieur. À la prison d’Innsbruck, la cour était uniquement recouverte de bitume et on ne pouvait voir que des clôtures et des murs, mais ici, à Wr. Neustadt, il y a de l’herbe et même un arbre, un sorbier.
Les lundis et les jeudis, nous sortons dehors un peu plus tard, parce que ces jours-là nous pouvons nous doucher par groupes de quatre à huit détenus. Lorsque nous sommes dehors, un fonctionnaire et trois ou quatre caméras nous observent. La plupart des prisonniers marche très lentement, ou simplement s’assoit et fume. Je marche très vite, parce que j’ai l’habitude de faire de l’exercice. Je dépasse souvent les autres prisonniers d’environ trente tours. J’essaie d’apprécier et d’utiliser la seule heure à l’extérieur aussi bien que possible.
C’est le seul moment que je passe avec d’autres prisonniers, à part la personne avec laquelle je partage ma cellule. Les autres prisonniers sont là, par exemple, pour vol ou attaque à main armée. Beaucoup d’entre eux devront rester en prison longtemps. Ceci rend encore plus grotesque le fait d’être ici parce que je suis accusé d’appartenir à une « organisation criminelle ».
Il semble que je sois le seul non fumeur de la prison. Depuis mon arrestation le mercredi 21 mai, j’ai partagé ma cellule avec cinq personnes différentes, trois à Innsbruck et deux à Wr. Neustadt. Quatre sur les cinq présentaient des symptômes de manque de drogue, tous étaient des fumeurs invétérés.
Les personnes qui ont des symptômes de manque sont vraiment épuisantes. Le prisonnier avec lequel je partage ma cellule actuellement a, par exemple, dans la nuit de dimanche à lundi, vomi toutes les 15 minutes dans un seau, sur le lit superposé du haut, pendant que j’étais allongé dans le lit du dessous. Bien que je ne comprenne pas les gens qui prennent des drogues et que je sois totalement contre, je me sens navré pour ces gens.
Vers onze heures et demie, on nous donne le déjeuner. Vers cinq heures du soir, c’est le dîner. Le matin, j’écris, je lis ou je dessine principalement. Après le déjeuner, je regarde souvent la TV. À deux heures et demie de l’après-midi, je regarde toujours Bob l’éponge à la TV.
Il y a quelques jours, j’ai reçu un carnet de dessin et des aquarelles. Je suis en train de faire mon autoportrait et un portrait de mon codétenu, parce qu’il me l’a demandé. J’ai aussi commencé à dessiner les portraits de mes trois enfants à partir de leurs photos, que j’ai avec moi.
Depuis que j’ai été arrêté, j’ai écrit presque une centaine de pages, un peu comme un journal et des réflexions à propos de mon arrestation. J’ai aussi répondu à toutes les lettres de ma famille et de mes amis. Je reçois beaucoup de courrier, cette semaine j’ai déjà reçu dix cartes postales et quatre ou cinq lettres – j’aime recevoir du courrier, particulièrement de ma femme et de mes enfants.
Le pire, ici en prison, est d’être séparé de ma femme adorée et de mes enfants chéris. Je ne peux décrire à quel point ils me manquent. Mon fils aîné, Samuel, a dix ans. Il a été tellement choqué par mon arrestation qu’à sa première visite il n’a pas pu s’arrêter de pleurer. Noah a cinq ans. Je ne peux pas oublier les signes d’au revoir qu’il me faisait lorsque j’ai été arrêté. Ma fille Talia, deux ans, est la plus jeune. Je suis très inquiet pour ma relation avec elle. Notre relation pourrait être sérieusement détériorée suite à cette séparation. Je dois me forcer à arrêter de penser à tout cela, sinon je sens que je deviens fou d’inquiétude. Karin, Talia, Noah et Samuel, vous ne pouvez pas imaginer à quel point vous me manquez. À part la souffrance de ne pas pouvoir être avec ma femme et mes enfants, je m’inquiète pour notre avenir suite à cette arrestation, et particulièrement pour notre situation financière.
Bien que je travaille la plupart du temps à mes activités artistiques – que vous pouvez voir sur
http://www.radikalkunst.net" onclick="window.open(this.href);return false; – je travaille aussi depuis dix ans comme restaurateur pour un archéologue. Je m’occupe du nettoyage, de la préservation et de la restauration de découvertes archéologiques – principalement du Moyen-âge. J’espère vraiment que je pourrais continuer mon travail après ma libération – qui devrait d’ailleurs avoir lieu maintenant, puisque je suis innocent.
Je peux continuer à créer aussi ici en prison, même si je n’ai pas le matériel ni les outils, je peux dessiner et concevoir – et je peux écrire. Ma cellule fait environ 2,5 x 6 mètres. Dedans, il y a un lit superposé, deux placards, une étagère, une table, deux chaises, un lavabo et des wc à part. Il y a aussi une fenêtre avec des barreaux. Dans la cellule, nous avons aussi la télévision et une radio, ce que je n’avais pas à Innsbruck où je suis resté une semaine entière.
À Wr. Neustadt, je suis dans la cellule 9 et mon numéro de prisonnier est 91001.
Lorsque je vois les émissions pour enfants que je regarde à la maison avec les miens, je ne peux m’empêcher de pleurer. Même des images de familles heureuses ou d’enfants, ou les mots « famille », « enfants » ou « maison » suffisent à me frustrer et à me faire pleurer. Je pense que le temps passé en prison serait plus facile si je n’avais pas une famille dont je suis séparé. D’un autre côté, ma famille est une des raisons pour lesquelles cet emprisonnement sans aucune accusation doit cesser rapidement.
Même si je suis désespéré parce que je suis séparé de Karin, Talia, Noah et Samuel, et même si j’ai peur pour notre situation économique, je suis sûr que je sortirai de prison vivant.
Pas comme les millions d’animaux qui, chaque année, meurent après leur emprisonnement. Est-ce que faire quelque chose d’artistique et d’actif contre cette injustice est un délit ?
Depuis la prison, salutations pour Karin, Talia, Noah et Samuel, je vous aime !
Chris