bub a écrit :
En gros, tu reposes ton opinion sur l'analyse du journaliste plutôt que sur l'analyse du scientifique.
Pour ma part, le comportement psychologique des participants décrit par le journaliste a effectivement été pris en compte par Milgram pour l'analyse finale de ses résultats et ayant parcouru le bouquin "La psychologie sociale" de Moscovici qui date de 2003 (40 ans après), je n'ai pas vu de remise en cause fondamentale des conclusions de Milgram.
Donc l'objectivité du journaliste qui remet en cause l'objectivité du scientifique, ca me fait assez peu douter sur "l'objectivité et la neutralité toute scientifique".
Ma soumission à l'autorité médiatique est bien plus inexistante que ma soumission à l'autorité scientifique ! :-)
Le travail du journaliste aurait été beaucoup plus intéressant comme étude sur la mémoire à long terme et l'acceptation de soi à l'entrée dans la vieillesse que comme entreprise de dénigrement de Milgram, visant à générer un livre à scandale vendeur et générateur de pognon...
:proy:
Merci de ta précision. Parce que (hormis la lecture de Despret donc!) je n'avais rien vu de conséquent sur les effets du dispositif expérimental et encore moins sur l'interprétation de la situation et le sens donnés par les personnes volontaires ; ça n'était vraiment pas présent ni mis en avant dans ce que j'avais parcouru - alors que ça affine et épaissit les choses je trouve, que ça a sa place comme partie intégrante du rendu et de la compréhension de l'expérience.
Car il me semble que ça change quand même effectivement vraiment la donne, que ça pose question (si on prend en compte qu'illes n'étaient pas dupes du fait qu'il s'agissait de fausses électrocutions, j'envisage difficilement que ça ne change ou en tout cas ne nuance rien des conclusions, non ?) : concernant les questions soulevées par rapport au leurre de masquer les attentes et d'occulter les enjeux véritables et ce qui est recherché vraiment, si on reste uniquement sur la question scientifique de départ sans demander aux individus observé-e-s ce qu'illes ont compris de la situation, et du coup sans savoir à quelle(s) question(s) eusses ont en fait répondu, oui je trouve vraiment que l'expérience ne va pas au bout et est comme amputée/tronquée.
Et houla oui-oui tu as raison de tiquer là-dessus, aïe, c'était pas clair désolée (en espérant l'être donc un peu plus maintenant) :-) : en l'occurrence ici je ne me repose pas sur le travail et ladite objectivité journalistique pour remettre en question l'objectivité scientifique.
Mais je pars bien des travaux de Despret (avec entre autres moult (res)sources l'expérience Milgram (incluant aussi le travail du journaliste donc)) qui sont vraiment super riches et intéressants sur l'analyse des dispositifs et de leurs effets qui peuvent ou ont pu vraiment ne pas être assez pris en compte dans certaines études/analyses - où les personnes observées ne sont entre autres pas complètement prises en compte (en étant notamment privées d'espace de parole et/ou de réactivité sur ce qui se fait et se passe, et sur la manière dont elles comprennent et répondent à la situation donc). Autrement dit dans certaines études où pour garantir ladite objectivité scientifique recherchée, il vaut mieux écarter ou omettre certains faits (attentes, réactions, émotions...).
Et c'est en fait en partant de ça et du travail en général de Despret sur ces questions là que j'ai (mal) fait le lien avec encore et toujours cette éternelle dichotomie en débat dans les sciences humaines et sociales entre les observateur-e-s qui reconnaissent que les subjectivités sont à l'oeuvre (et que cela fait également partie des faits scientifiques construits) et ceusses qui les nient en n'étant qu'à la recherche d'une exactitude de données qui seraient objectivement neutres dans une bulle étanche...
Et là-dedans Despret explore (notamment par rapport aux relations aux animaux, à l'éthologie...) les dispositifs de recherche et d'enquête non pas comme des révélateurs mais précisément comme une science en train de se faire, comme des façons de faire connaissance qui sont mises en place en étant aussi empruntes de sensibilités, d'attentes, de relations, d'ajustements... qu'il ne faut pas nier mais apprivoiser.
M'enfin dans le doute de ne pas être forcément plus claire là (?) voilà que je digresse sans doute un peu trop maintenant aussi...