Par rapport à l'expérience de Milgram, il y a eu une enquête réalisée 40 ans après par un journaliste, Ian Parker, une sorte de retour sur expérience pour lequel il est allé interroger les participant-e-s qui s'étaient prêté-e-s à l'expérience.
Je n'ai pas lu cette enquête elle-même mais les travaux de Vinciane Despret (une philosophe des sciences) qui y fait référence et la reprend pour étayer son travail sur les dispositifs et les modes de productions des connaissances scientifiques (sur ce qu'ils font et font faire...).
Alors ceci dit là j'sais plus bien dans lesquels de ses bouquins exactement Despret développe le plus ou le mieux ça (Milgram), mais j'pourrais rechercher et donner références et passages plus précisément plus tard... (étant là en transit entre deux pérégrinations).
Mais grosso modo ce qui ressortait c'est bien entre autres qu'on ne peut pas faire l'économie d'observer et d'intégrer les dispositifs eux-même mis en place pour comprendre le sens et les résultats expérimentaux. Et cela implique de donner la parole à toutes les personnes ayant fait l'expérience, et pas seulement aux scientifiques ; ce qu'a fait ce journaliste, donc. Et cela fait toute la différence - de ne pas amputer l'expérience de tout ce qui la fait et de tou-te-s ceusses qui la font.
A la question posée - pourquoi avoir accepté d'électrocuter ? - les personnes interrogées lui ont répondu qu'elles se doutaient qu’il n’était pas possible que l’électrocution soit véritable et que les charges soient réelles et/ou fortes... Pourquoi ? Parce qu'on ne tue pas des êtres humains dans les universités : elles expliquaient donc avoir deviné ce qu’on essayait de leur cacher. Et oui, que des psychologues et des scientifiques mentent pour mener leurs expériences est un secret de polichinelle !
Alors bien sûr ce n'est pas si simple (Parker et Despret le disent), et on peut objecter qu'il est facile d'avancer cette argumentation rétrospectivement. Mais les anciens volontaires ont aussi avancé quelques autres observations de la situation allant dans ce sens. Par exemple, quand illes entendaient ce qui était censée être une victime hurler de douleur, les volontaires inquièt-e-s se retournaient vers le bureau de Milgram d'où il observait l'expérience avec son assistant... Illes ne les ont pas aperçus inquiets ni en train de s'émouvoir plus que ça, voire certain-e-s les ont surpris en train de plaisanter et de sourire...
Ce sont ainsi plusieurs indices comme ça qui sont donnés de l'appréhension de la situation dans cette enquête - allant dans le sens de celle d'une expérience factice.
Du coup, même si Milgram n'a rien dit de son expérience, il ne faudrait en effet pê pas sous-estimer l'appréhension et la compréhension de la situation par les individus concernés.
Et de là, autre question du journaliste : alors pourquoi avoir joué le jeu et continué si illes savaient que c'était un leurre ?
Parce que c'est ce qui est attendu : il faut avoir en tête que les personnes savent que les expériences en psychologie peuvent être biaisées. Et ça change quand même pas mal de choses d'en prendre acte...
Et dans ce genre de protocole, il n'est pas attendu des volontaires qu'ils évoquent le déroulement de l'expérience. Le jeu ne s'étouffe pas de trop d'honnêteté, le jeu est de faire "comme si" : certains scientifiques ne veulent pas vraiment savoir que les gens ne sont pas dupes et les gens savent que ce qu'on leur dit des expériences ne correspond pas tout à fait à la réalité, mais ils ne le disent pour autant pas non plus aux scientifiques car ils savent que les résultats de cette dernière doit aussi dépendre de ça (ça doit être ça l'objectivité et la neutralité toute scientifique

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