La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

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Chéri-Bibi
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La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 24 janv. 2021 8:29

Appel à Soutien du comité rennais aux inculpé.e.s du 8/12
https://soutienauxinculpeesdu8decembre. ... te-rennes/

Une cagnotte solidaire a été créée afin d’assurer une défense efficace à nos camarades en prison ! On sait que beaucoup d’entre nous n’ont que peu de moyens et qu’il y a déjà du monde à soutenir, mais ça peut être une manière de filer la patte si vous êtes loin ou que vous ne savez pas comment aider.
Merci à celleux qui donnent, merci aussi à celleux qui soutiennent et en parlent !! Cette affaire ne doit pas se faire oublier, 5 inculpé.e.s sont aujourd’hui en détention provisoire dans des conditions strictes, ne les y laissons pas plus longtemps ! On compte sur vous ✊
Le lien vers la cagnotte : https://www.cotizup.com/soutien-8-12
Prise de parole du 16 janvier – Rennes – Rassemblement contre la LSG
Bonjour,
Moi je viens vous parler d’anti-terrorisme. Ou plutôt, je viens poser cette question : (avec l’antiterrorisme), qui terrorise qui ? Le 8 décembre dernier, 9 personnes ont été la cible d’une opération politico-policière. L’une d’entre elles est l’amie de beaucoup de gens ici. Je parle au nom du comité rennais de soutien aux inculpé.es du 8 décembre.
A l’heure actuelle, parmi les 9 personnes arrêtées, 2 ont été libérées sans suite, 2 sont sous controle judiciaire (pointer tous les jours au comissariat), et 5 en détention provisoire.
Voilà, alors déjà, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que 5 personnes sont en prison pour présemption d’intention ! Yels sont donc éparpillé-es dans differentes prisons en région parisienne, mais pas n’importe comment : ce sont des DPS « détenu.es particulièrement surveillées », comme si elles menaçaient de faire fondre les institutions étatiques avec un regard bien placé. Ça serait presque drôle, si ça n’était pas si déshumanisant et violent. La perquisition était violente : 6h du matin, tout le monde menotté, plein de trucs cassés dans les maisons, molosses du RAID et de la DGSI… La garde à vue, à Levallois perret, était violente : pendant 4 jours sous des néons non stop, sans plus aucune notion du temps, pour mettre bien à l’aise lors des interrogatoires de 6h par jour à base de « Qu’est-ce que vous pensez de la République ? ». Ces méthodes sont dignes de la « torture blanche ». Donc soit dit en passant, on peut considérer que tout ce qui sortira de ces 96h est nul et non avenu, car ce sont des aveux sous la torture.
Le premier mois de détention était violent : placée à l’isolement, pas le droit de faire des vraies promenades, réveillée toutes les 2h la nuit, blocage des lettres que ses proches lui envoient… Enfin, le début de la médiatisation était violente : des informations ont été divulgués sur leur vie privée comme leurs lieux d’habitation, leurs descriptions physique et leurs modes de vie, et aussi des informations de leur entourage, ce qui les met en danger ! L’entourage d’ailleurs est placé sous haute surveillance car le dossier est toujours en instruction. Et il y a eu d’autres perquisitions depuis. Tout cet arsenal déployé pour piétiner des personnes, c’est tout cela qui terrorise. On espère que le traumatisme de nos ami.es ne sera pas trop profond, et on leur envoi tout l’amour et le courage qu’on peut.
Ces 7 personnes sont accusées « d’association de malfaiteur en vue d’actes terroristes criminels » : cela veut dire qu’aucun fait répréhensible par la loi ne leur ai reproché. Elles sont simplement suspectées d’avoir l’intention de nuire à la police, ou à l’armée peut-être… Mais sur le projet lui-même, c’est plutôt très flou, voire creux. En fait il n’y a pas de projet. Les renseignements préfèrent laisser libre cours à l’imagination du public : « ultragauche », « bombes artisanales », « armes », « retour de zone de guerre »… Les journalistes adorent, et reprennent sans broncher, voire pour ceux de droite font un peu de zèle : la peur, c’est leur crédo. On apprend dans le Point que ce sont certainement des grandes menaces pour la Nation puisque l’un des inculpé.es est artificier à Disneyland et s’occupait de la parade de la Reine des Neiges.
On parle aussi d’une association de Air Soft (c’est du paint ball) et de produits ménagers pouvant servir à la fabrication d’explosifs, comme de l’acétone. Alors, terrifié.es ?!? Ils aimeraient nous faire croire à une milice qui se monte pour attaquer la police. Ils ont fait ce qu’ils ont pu, mais bien franchement, je ne pense pas qu’un Etat et ses institutions puisse être terrorisé par tout ça… D’ailleurs, en décembre dernier une personne a tué 3 gendarmes dans le Puy-de-Dome, en leur tirant dessus. Les médias l’ont sobrement appelé un forcené. Mais des personnes qui n’ont commis aucun acte violent, elles, peuvent être appelées des terroristes ! Ce qui prouve que cette qualification n’a rien à voir avec la gravité des actes, mais avec les convictions politiques qui sont associées aux personnes. Et surtout, avec ce qui sert les intérêts du moment.
Car, ce qui leur vaut un tel traitement par les services antiterroristes, c’est qu’ils et elles auraient tenu des propos critiques à l’égard de la police. Voire auraient exprimé une colère à l’encontre de cette institution. Ça faisait 9 mois que les renseignements généraux les écoutaient pour guetter ces paroles, et ils ont dû être vraiment vexé.es de ce qu’ils ont entendu. Ecoutez la réaction d’Eric Ciotti, un député républicain :
« Des terroristes d’extrême gauche voulaient s’en prendre à des policiers ! Ils s’attaquent à l’uniforme de la République qui est le dernier obstacle à leur dictature et leur soif de chaos » C’est bien tenté Eric, mais je ne crois pas que beaucoup de gens voient en ce moment la police comme un bouclier qui nous protège de quoi que ce soit, et certainement pas d’une dictature… C’est pour le moins audacieux et surtout très utile de dire ça dans ce contexte où « Tout le monde déteste la police ».
Dans ce contexte où les violences policières ont été bien visibilisées par les mouvements écolos, puis par le mouvement des Gilets Jaunes, puis par le mouvement international Black Lives Matter, et bien sûr par toutes les familles qui réclament depuis des années justice et vérité pour leurs proches tués par la police. Vous connaissez peut-être Awa Gueye dont le frère Babacar a été tué en 2015 par la BAC à Rennes, ou Assa Traore qui réclame justice pour son frère Adama assassiné en région parisienne… La liste est longue, trop longue, et à chaque fois, la justice couvre les mensonges de la police. Ces mouvements sociaux successifs et ces luttes de fond ont permis de dénoncer un système répressif en roue libre, hors contrôle, et très raciste. Et si on ajoute à ça le contexte actuel de la lutte contre les lois de sécurité globale, qui choquent vraiment beaucoup de monde, justement parce que ça a à voir avec une dictature…
En tout cas, ces arrestations participent à la sensation d’insécurité et à la confusion qui règne en ce moment et elles portent ce message : « Si vous critiquez la police, on peut vous mettre en taule, sans procès ! »
Tout ça vous rappelle sans doute l’affaire Tarnac, qui a démarré en 2008. C’est vrai que les ingrédients sont similaires : une situation politique tendue, un mouvement social profond, une volonté gouvernementale de le criminaliser, 9 militant.es de gauche attrapé.es pour la création d’un ennemi intérieur qui justifierait des lois sécuritaires : c’est vraiment des affaires qui tombent à pic !! Dans les 2 dossiers, il manque « juste » des actes illégaux. Les inculpé.es de Tarnac ont été innocenté.es (beau fiasco, il faut le souligner). L’affaire tout juste clôturée, la voie est libre pour faire à nouveau planer la menace de la condamnation de militant.es pour terrorisme ! Mais l’affaire de dite de Tarnac a duré 10 ans, et la détention provisoire qu’ont subi les inculpé.es vient d’être reconnue comme abusive. Elle l’est aussi pour les inculpé.es de cette affaire : la détention provisoire existe juridiquement comme une mesure d’exception, il est inadmissible d’en systématiser l’usage !
Nous réclamons la mise en liberté immédiate des 5 camarades écroué.es sans raison ! Il faut d’ailleurs que cesse immédiatement l’usage systématique de la détention provisoire, des GAV, des nasses, tout cet arsenal de privation de liberté utilisé abusivement dans le seul but d’intimider.
Nous appelons à la création de comités de soutiens partout où des gens se sentent touché.es par cette affaire qui tombe à pic. Les comités de soutiens à l’affaire Tarnac peuvent se remonter et nous rejoindre, fort.es de leur victoire, ça va nous faire du bien ! On a besoin de faire du bruit par tous les moyens, on a besoin de solidarité, et on a besoin de fric pour les avocat.es. Il y a des comités qui se créent déjà à Toulouse, à Amiens, à Rouen, à Morlaix, à Rennes, à Paris, à Tarnac ! Pour tout ce que vous avez envie de faire, nous vous encourageons à les prévoir la première semaine de février, car toustes les inculpé.es passeront devant le juge d’instruction cette semaine : ça sera le moment de faire un max de bruit !!! Profitons de pas être confiné.es ! Vous pouvez nous trouver sur facebook sur la page « comité de soutien rennais aux inculpé.es de l’affaire de la Reine des Neiges »
Je voudrais terminer avec le souvenir d’une prise de parole d’Awa Gueye lors du rassemblement contre les lois sécurité globale à Rennes le 19 décembre. Awa Gueye est une femme noire qui lutte contre contre violences policières et l’impunité de la police. Malgré la pression qu’elle subit dans cette lutte et malgré le contexte politique inquiétant, elle a dit haut et fort ce 19 décembre qu’elle n’avait pas peur, qu’elle ne se laisserait pas intimider. Peu importent les déclarations comme celle de M. Cahn « je serais à la place des gamins qui militent à l’ultragauche je ferais attention à moi dans les mois à venir » : ça ne va pas suffire à nous faire peur, et surtout pas à nous faire taire. Le courage et la détermination qu’Awa Gueye diffuse, et celles de toutes les personnes qui résistent à la machine judiciaro-policière, sont plus fortes. Elle nous inspirent. nous savons qu’elles inspirent notre camarade inculpée, qu’elles traversent les murs qui l’enferment pour l’aider dans cette épreuve. Pour elle, pour toutes les personnes victimes de cette répression étatique : ne nous laissons pas intimider, ne nous laissons pas anti-terroriser, et continuons à résister !
On se retrouve début février.
Merci.
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Chéri-Bibi
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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 07 févr. 2021 21:06

L’ARRESTATION DE L’UN DES NÔTRES

En décembre dernier, sept personnes ont été arrêtées par la DGSI et mises en examen pour « association de malfaiteurs terroriste ». Un ancien volontaire du YPG, les forces armées du Kurdistan syrien, a été désigné comme le meneur du groupe et incarcéré. De cette affaire nous ne connaissons que ce qui a fuité dans la presse. Quelques armes de chasse, des produits accessibles dans le commerce et « pouvant entrer dans la confection d’explosifs », des réunions en forêt, de prétendus aveux de membres les « moins impliqués » du groupe. En dehors de cela, rien : pas de liste de cibles, ni de projet défini de passage à l’acte. La justice antiterroriste reposant sur le procès d’intention, ces quelques éléments ont été interprétés comme la preuve de préparatifs d’une attaque contre les forces de l’ordre. Pour compenser la maigreur du dossier, l’attention s’est focalisée sur les personnalités des accusés : un « artificier à Disneyland », une personne qui aurait eu des contacts avec une guérilla colombienne et surtout un militant « parti en Syrie combattre dans un groupe affilié au YPG ». Ces « profils inquiétants » se sont retrouvés étalés dans la presse, avec une mise en scène grossière destinée à susciter la peur et à faire taire toute réflexion n’allant pas dans le sens des théories policières. La DGSI a orchestré ces fuites en livrant aux médias les identités et les photos (à peine floutées) des mis en cause. Pendant des jours, les éléments du dossier ont été transmis à la presse au mépris du secret de l’instruction. A longueur d’articles, les accusés ont été exhibés comme des trophées de chasse par la DGSI. La presse de droite et d’extrême droite s’en est donnée à cœur joie. Les projecteurs ont été braqués sur notre camarade : une photo en noir et blanc, avec un fin rectangle noir sur les yeux, une légende le décrivant comme « SDF », « ne travaillant pas » et « ayant combattu en Syrie ». Ce portrait trompeur du nouvel ennemi public numéro un repose sur un mélange de jugement de valeur sur son mode de vie et d’informations parcellaires sur son engagement politique. Notre camarade était en Syrie pour combattre Daech. Il a pris part en 2017 à la libération de Raqqa, la capitale du groupe jihadiste. Raqqa est aussi la ville où les attentats de Paris ont été planifiés et où la plupart de ses auteurs ont été entraînés. Si la France n’a pas connu d’attentats de grande ampleur depuis des années, c’est grâce à la libération de Raqqa à laquelle notre camarade a participé au péril de sa vie. En combattant en Syrie ce dernier a donc directement contribué à la sécurité des Français, ce que le tribunal médiatique s’est bien gardé de mentionner. Comment en effet faire rentrer dans leur narration à charge que l’accusé ait donné bien plus à la lutte contre le terrorisme que les policiers, procureurs et journalistes qui l’accusent aujourd’hui d’être un « terroriste d’ultragauche » ?

Pour comprendre cette affaire, il faut remonter au début de l’engagement de volontaires internationaux en Syrie. Entre 2015 et 2019, une trentaine de français ont répondu à l’appel des populations du Rojava pour protéger la paix en participant à la guerre de légitime défense contre Daech et l’armée turque. La DGSI a immédiatement établi un tri entre les « mauvais » volontaires, se réclamant d’une idéologie révolutionnaire, et les « bons » volontaires, anciens militaires ou apolitiques, qui pour certains ne furent même pas auditionnés à leur retour en France. Ceux qui étaient identifiés comme de potentiels membres de « l’ultragauche » se retrouvèrent systématiquement « fichés S » et firent l’objet d’une surveillance active, tout en étant coupables de rien d’autre que d’un délit d’opinion. Arrestations à l’aéroport, menaces sous forme de conseils paternalistes, pressions sur nos familles, nous sommes nombreux à avoir fait l’objet de tentatives d’intimidation plus ou moins voilées de la part des services de sécurité. Fin 2016, la DGSI fit irruption chez l’un d’entre nous pour lui retirer son passeport et sa carte d’identité, afin de l’empêcher de retourner au Kurdistan syrien. Le ministère de l’Intérieur affirmait alors que ce combattant du YPG pouvait être à l’origine « de graves troubles à l’ordre public » et était susceptible d’utiliser son expérience militaire « dans des attaques contre les intérêts français, en lien avec l’ultragauche révolutionnaire ». Ces accusations complètement fantaisistes furent balayées par le tribunal administratif de Paris quelques mois plus tard. Le ministère de l’Intérieur fut ensuite contraint de lui rendre ses documents d’identité et de lui verser des dommages et intérêts. En dépit de cette victoire judiciaire, nous savions que la DGSI nous garderait dans son collimateur et était prête à tout, y compris à des accusations sans preuves, pour nous faire rentrer dans le moule qu’elle avait créée : celui de dangereux vétérans d’ultragauche cherchant à importer la violence du conflit syrien de retour chez eux. Cette caricature a été construite dès le départ, ex-nihilo, avant même que l’un d’entre nous ne remette les pieds sur le territoire français. Même si de retour en France aucun volontaire n’a jamais été impliqué dans des actions violentes, la DGSI attendait patiemment l’occasion de piéger l’un d’entre nous, pour pouvoir enfin donner une crédibilité à ses fantasmes. L’année dernière, elle a communiqué à notre sujet par le biais de journalistes de Mediapart. Ces derniers, désireux de renvoyer l’ascenseur aux sources qui les informent sur d’autres sujets, ont déroulé le tapis rouge à l’argumentaire délirant du ministère de l’Intérieur. Un camarade parti en vacances en Amérique du Sud se retrouvait accusé d’avoir essayé de nouer des contacts avec une guérilla colombienne, un autre fréquentant la ZAD aurait prétendument tiré une fusée éclairante sur un hélicoptère de la gendarmerie, des dégradations d’antennes téléphoniques, de bornes Vélib ou de fourgons de police nous étaient également associées. Ces fables anxiogènes, parfaitement déconnectées de toute réalité, venaient confirmer ce que nous savions déjà : jusqu’à ce qu’il ait trouvé le coupable idéal, le ministère de l’Intérieur ne renoncerait pas à l’entreprise de diabolisation dont nous faisions l’objet.

En plus de chercher une revanche sur l’affaire Tarnac, les services de sécurité poursuivent depuis des années un double objectif : criminaliser l’internationalisme et nous utiliser comme des épouvantails pour stigmatiser l’ensemble de la gauche révolutionnaire française. En plein tôlé sur la loi relative à la sécurité globale, on peut reconnaître à la DGSI qu’elle fabrique des terroristes au moment opportun, au service d’un gouvernement qui nous conduit chaque jour un peu plus vers un Etat policier. Laurent Nuñez, faisant preuve d’une incroyable malhonnêteté intellectuelle, a récemment enfoncé le clou en rappelant dans une interview donnée au Figaro qu‘une « dizaine de militants d’ultragauche sont allés s’aguerrir au Rojava ». Alors que nous nous retrouvons collectivement mis en cause par le conseiller à l’anti-terrorisme du président Macron, une mise au point est nécessaire. Nous sommes allés au Rojava avec la volonté de défendre une révolution basée sur la démocratie directe, la coexistence pacifique entre communautés, l’égalité femmes-hommes et le juste partage des richesses, autant de valeurs dont l’Etat français se réclame sans jamais les appliquer. Pour ce faire nous n’avons pas cherché à nous « aguerrir », nous avons combattu les jihadistes de Daech au moment où, à Paris et à Nice, ils massacraient des centaines de personnes en profitant de l’incompétence des services de sécurité supposés nous protéger. Les termes « allés s’aguerrir » laissent supposer que le Rojava n’était qu’un prétexte, un moyen d’acquérir une expérience militaire que nous souhaitions en réalité utiliser dans notre pays d’origine. Nous répondions précisément à la logique inverse. Nous avions besoin de ces compétences militaires pour combattre Daech et défendre l’existence du Rojava mais avoir acquis un tel savoir faire ne signifie pas que voulions l’utiliser de retour en France, ou que la lutte armée serait subitement devenue le seul moyen d’action de notre répertoire militant. Nous ne sommes pas des amis de ce gouvernement, de ses chiens de garde et du système qu’ils servent, c’est un fait, mais nous les combattons par des moyens démocratiques et non par la violence comme nos accusateurs l’insinuent. La véritable prolongation de notre combat c’est le témoignage. Nous transmettons ce que nous avons vu et appris au Kurdistan à travers un livre dont nous recommandons la lecture à ceux qui voudraient essayer de nous comprendre, loin des clichés véhiculés par le ministère de l’Intérieur et par les médias à ses ordres [1]

Alors que la DGSI nous dépeint en comploteurs ou en vandales, nous avons en réalité passé ces dernières années à reprendre le fil de nos vies (paisibles). Nous continuons à militer pour défendre le Rojava, la mémoire de nos camarades tombés au combat, et les valeurs qui nous ont poussés à nous rendre là-bas. En rentrant chez nous, nous ne nous attendions pas à recevoir la Légion d’honneur, ni même a être remerciés par qui que ce soit, mais nous ne pouvions pas imaginer que nous serions désignés comme des ennemis de l’intérieur et traités à l’égal des jihadistes que nous avions combattus. Comme nous venons de le rappeler ici, nous avons suffisamment fait l’objet de calomnies de la part de la DGSI pour ne pas accorder la moindre crédibilité aux accusations portées contre notre camarade à qui nous réaffirmons notre confiance absolue et notre soutien sans faille.

Le CCFR (Collectif des combattantes et combattants francophones du Rojava).

[1] Collectif, Hommage au Rojava, Montreuil, Editions Libertalia, 2020, 160p.
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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 05 avr. 2021 14:33

https://www.monde-diplomatique.fr/2021/04/BAQUE/63001
Les volontaires du Rojava poursuivis par l’État

Combattre les djihadistes, un crime ?
Le Parlement français a adopté de nombreuses lois « antiterroristes » qui permettent de substituer le soupçon à la preuve. Comble de la perversité, ces textes servent aujourd’hui de base juridique pour traquer ceux qui ont voulu combattre le djihadisme en Syrie. Avoir pris les armes contre l’Organisation de l’État islamique devient un élément à charge pour la machine policière.


EN ce 8 décembre 2020, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) procède à
l’arrestation de six hommes et d’une femme en Dordogne, dans le Val-de-Marne et en Illeet-
Vilaine. Présentés comme des membres de l’« ultragauche » et soupçonnés de préparer
des actions violentes en France, ils sont mis en examen pour « association de malfaiteurs
terroriste », un crime passible de trente ans de prison. Certains médias reprennent une
« source proche de l’enquête » affirmant que ces personnes avaient formé une cellule clandestine en
vue de commettre des attentats contre les forces de l’ordre. Le Point titre : « Syrie, SDF, fiché S :
l’inquiétant profil du chef du groupe d’ultragauche »
(13 décembre 2020).

Mais les formules sensationnalistes ne suffisent pas à masquer la fragilité du dossier. Les éléments
saisis lors des perquisitions consistent essentiellement en des produits pouvant certes entrer dans la
fabrication d’explosifs, mais communs (eau oxygénée, acétone, acide chlorhydrique), un fusil de
chasse, un pistolet factice Airsoft, un casque de CRS (compagnies républicaines de sécurité)… Aucun
des éléments rendus publics à ce jour ne prouve des intentions coupables ou un projet précis de
passage à l’acte. Le parquet antiterroriste n’a fait aucune communication, alors qu’il est coutumier de
l’exercice, et le procureur chargé de l’enquête a refusé de répondre à nos questions.

Ce qui est principalement reproché au supposé « chef » du groupe : avoir combattu en Syrie contre
l’Organisation de l’État islamique (OEI, ou Daech). Une fois de plus, la DGSI tente de criminaliser
des militants pour leur engagement au sein des forces arabo-kurdes de Syrie, les Forces démocratiques
syriennes (FDS), pourtant soutenues par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)…
Entre 2015 et 2019, une trentaine de jeunes Français seraient partis se battre au Rojava, selon un
calcul des militants. Au total, on compterait quarante-sept volontaires internationaux (dont onze
Américains, sept Britanniques, cinq Allemands et trois Français) parmi les treize mille combattants
(principalement kurdes, mais aussi arabes, yézidis, syriaques, etc.) morts en défendant la région
autonome. Parmi les volontaires venus de France se trouvaient d’anciens militaires ou des individus
désirant essentiellement en découdre avec les djihadistes de l’OEI. Figuraient aussi une poignée de militants marxistes, libertaires ou antifascistes, proches ou non d’organisations de la gauche
anticapitaliste, et voulant défendre le processus révolutionnaire en cours dans le nord de la Syrie (1).
Dès leur retour en France, ces militants ont pratiquement tous été convoqués et surveillés par la
DGSI.

Dans son récit (2), M. André Hébert apparaît publiquement sous un pseudonyme afin de préserver sa
sécurité et de ne pas individualiser un combat collectif. Après deux séjours au Rojava, ce jeune
militant marxiste est désormais, comme plusieurs de ses camarades, « fiché S », c’est-à-dire signalé
dans le fichier des personnes surveillées comme représentant un potentiel danger d’atteinte à la sûreté
de l’État. En décembre 2016, des policiers de la DGSI lui ont confisqué son passeport et sa carte
d’identité pour l’empêcher de quitter le territoire. Ils agissaient en vertu d’une loi dite
« antiterroriste » adoptée en 2014 pour empêcher de jeunes Français de rejoindre les rangs des
djihadistes (3).

L’héritage des militants antifranquistes

Selon la notification du ministère de l’intérieur, si M. Hébert « parvenait à rejoindre à nouveau les
rangs des combattants des Unités de protection du peuple [YPG], son retour sur le territoire national
constituerait une menace particulièrement grave pour l’ordre public, l’expérience opérationnelle acquise
sur place étant susceptible d’être utilisée dans le cadre d’actions violentes de l’ultragauche
révolutionnaire perpétrées contre les intérêts français »
. En mars 2017, le tribunal administratif de Paris
annulait l’arrêté du ministère de l’intérieur. « Le tribunal a battu en brèche le récit construit par la
DGSI au motif que rien ne prouvait que les activités des YPG revêtaient un caractère terroriste
,
explique l’avocat de M. Hébert, Me Raphaël Kempf. Les magistrats ont aussi reconnu qu’il ne
représentait pas un risque pour la sécurité publique lors de son retour en France. »


Mais la DGSI n’a pas lâché les militants engagés au Rojava et distille toujours des récits alarmistes,
repris par une partie de la presse (4). En janvier 2021, M. Laurent Nuñez, coordonnateur national du
renseignement et de la lutte contre le terrorisme, évoquait des militants revenus « aguerris » du nord
de la Syrie et les associait à une nébuleuse de l’« ultragauche » ayant commis des dizaines d’actions
violentes de « basse intensité » — dont une majorité contre des pylônes de téléphonie.

Ces militants tisseraient selon lui des liens « avec des mouvements panafricanistes, dénonçant les
violences policières, environnementalistes ou contre l’islamophobie d’État »
dont le but serait de
« renverser les institutions républicaines » (5). Le Collectif des combattantes et combattants
francophones du Rojava (CCFR) lui a répondu en affirmant contester le système politique en vigueur
en France par des moyens autres que l’action violente : « En rentrant chez nous, nous ne nous
attendions pas à recevoir la Légion d’honneur, ni même à être remerciés par qui que ce soit, mais nous ne
pouvions pas imaginer que nous serions désignés comme des ennemis de l’intérieur et traités à l’égal des
djihadistes que nous avions combattus (6). »


M. Hébert inscrit son engagement dans la lignée des militants internationalistes révolutionnaires
enrôlés aux côtés des républicains espagnols en 1936. L’ouvrage collectif auquel il a participé (7) fait
référence à Hommage à la Catalogne, le livre dans lequel George Orwell relate son combat aux côtés
des miliciens du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM, antistalinien) durant la guerre
d’Espagne. Pour les auteurs d’Hommage au Rojava, il est aussi important de relater le combat contre
l’OEI que de témoigner de l’expérience « communaliste » en cours, fondée sur le socialisme, la laïcité, l’égalité entre hommes et femmes ainsi qu’entre groupes ethniques et religieux. « C’est pour soutenir cette révolution que nous sommes partis, explique M. Hébert. Nous étions des gens ordinaires et, à un moment de notre vie, nous avons tout quitté, lucidement et sans fanatisme, pour combattre aux côtés des populations du Kurdistan syrien. Mais, depuis 2016, la DGSI décide qui est un bon volontaire des YPG
et qui est un mauvais volontaire. Ceux qui n’étaient pas politisés n’ont pas été inquiétés, mais ceux qui
ont un profil militant sont surveillés et fichés. Les services de police nous utilisent comme des
épouvantails dans un contexte politique tendu. »


Sous les bombardements turcs

Fin 2016, juste après avoir obtenu une licence à l’université, le militant qui se fait appeler Siyah est
parti au Rojava pour un an et demi. Il y est retourné une seconde fois en février 2019, pour huit mois.
Il a participé à de nombreux combats contre l’OEI, mais aussi contre l’armée turque et ses milices
islamistes, lors de l’invasion d’une partie du Rojava en mars 2018, puis en octobre 2019, aux côtés des
FDS, abandonnées à l’époque par M. Donald Trump et par les Occidentaux. Durant les intenses
bombardements de l’aviation turque à Afrin et à Ras Al-Aïn, Siyah a perdu des dizaines de ses
compagnons kurdes, arabes ou internationalistes. Dès son premier retour en France, il a été interpellé
par la DGSI : « Ils m’ont interrogé durant plusieurs heures sur mon engagement au Rojava, mais aussi
sur tout mon passé de militant en France et en Europe
, raconte-t-il. Devant ma mauvaise volonté, ils
m’ont fait comprendre que j’avais plutôt intérêt à coopérer avec eux. Mais leur cadre d’intervention
n’était pas légal, car le fait d’être allé en Syrie combattre aux côtés des forces kurdes n’est pas encore un
crime… Désormais, je suis “fiché S” et cela me pose beaucoup de problèmes dans les aéroports quand je
me déplace en Europe. Les policiers me prennent pour un islamiste. »


Siyah souligne l’incohérence de l’État français, qui tente de criminaliser les volontaires
internationalistes alors qu’il a lui-même envoyé ses forces spéciales appuyer les forces kurdes. « La
DGSI sait très bien que les YPG ne sont pas un mouvement terroriste. L’État français est dans une
espèce de névrose. Ses policiers tentent à tout prix de relier notre engagement là-bas à notre engagement ici. Ils cherchent depuis longtemps à criminaliser les mouvements révolutionnaires en France. Ils sont obsédés par les révoltes populaires, les “gilets jaunes”, les zadistes, les black blocs, et fantasment sur l’ultragauche et ses cellules clandestines. »


Les services de l’État utilisent les dispositifs du code pénal initialement prévus pour lutter contre le
terrorisme à des fins de contrôle de mouvements politiques ou sociaux. « Cela peut paraître choquant
que le ministère de l’intérieur empêche André Hébert, militant de gauche, de partir combattre Daech en
utilisant une décision administrative permise par la loi antiterroriste de 2014
, commente Me Kempf.
Mais le problème vient de ces lois qui valident la possibilité de prendre des mesures de contrainte à
l’égard de certains de nos concitoyens sur la base de simples soupçons. Ceux-ci proviennent des services de renseignement et ne sont étayés que par des “notes blanches”, des documents souvent sans date ni titre qui font état de ce que les services de renseignement prétendent avoir recueilli. »


Dans son livre Ennemis d’État (8), Me Kempf fait remonter l’origine de l’accumulation
contemporaine de lois liberticides aux « lois scélérates » adoptées à la fin du XIXe siècle pour
réprimer les anarchistes, et dont l’usage a très vite été étendu. Selon l’avocat, les lois d’exception
votées pour lutter contre le terrorisme islamiste sont désormais utilisées contre des musulmans
présumés « trop » croyants, des écologistes « trop » radicaux, des manifestants « trop » virulents, voire
les opposants politiques. Les militants engagés au Rojava s’ajoutent désormais à la liste.

L’incrimination d’« association de malfaiteurs » fut introduite dans la deuxième des trois « lois
scélérates » adoptées en 1893 et 1894. Elle a été complétée par la mention « terroriste » dans la loi du
22 juillet 1996, qui étendait son application, avant que les peines soient aggravées par d’autres lois en
2004 et 2016.

Un précédent, l’affaire de Tarnac

La juge d’instruction Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, rappelle l’opposition ancienne de son organisation à cette incrimination : « Pour nous, ce sont des infractions
d’intention qui sont rédigées de manière assez floue dans leur élément matériel ou leur élément
intentionnel. On n’est plus du tout dans la recherche d’un passage à l’acte et on ne va pas chercher au-delà des éléments intentionnels à avoir des intentions franches. Cette définition d’une incrimination est
dangereuse, car elle crée un droit pénal très plastique dont les contours sont extrêmement souples (9). »


Par deux fois, l’« association de malfaiteurs terroriste » a déjà été utilisée contre des militants libertaires ou anticapitalistes. La première affaire concernait en 2007 des militants poursuivis pour le
dépôt sous une dépanneuse de la police d’un objet incendiaire qui n’avait pas explosé. Ils furent
condamnés à des peines de six mois à un an de prison ferme. La seconde affaire, dite « de Tarnac », a
conduit à l’inculpation en 2008 de huit militants soupçonnés d’appartenir à une cellule « invisible »
« ayant pour objet la lutte armée » et d’avoir saboté des caténaires de TGV. Après dix ans d’errance
policière, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé le 12 avril 2018 la relaxe de tous les accusés.

Ce fiasco judiciaire illustre les dérives de l’antiterrorisme lorsqu’il est instrumentalisé à des fins
politiques. Mais l’incrimination demeure, et elle vient d’être utilisée contre les sept personnes arrêtées à la mi-décembre.

PHILIPPE BAQUÉ
Journaliste.

(1) Lire Mireille Court et Chris Den Hond, « Une utopie au coeur du chaos syrien », Le Monde diplomatique, septembre 2017.

(2) André Hébert, Jusqu’à Rakka. Avec les Kurdes contre Daech, Les Belles Lettres, coll. « Mémoires de guerre », Paris, 2019.

(3) Loi no 2014-1353 du 13 novembre 2014.

(4) Matthieu Suc et Jacques Massey, « Ces revenants du Rojava qui inquiètent les services de renseignement [https://www.mediapart.fr/journal/intern ... seignement]
», Mediapart, 1er septembre 2019.

(5) Jean Chichizola et Christophe Cornevin, « Laurent Nuñez : “Avec 170 sabotages perpétrés depuis mars 2020, l’ultragauche monte en puissance” [https://www.lefigaro.fr/actualite-franc ... perpetres-
depuis-mars-2020-l-ultragauche-monte-en-puissance-20210113] », Le Figaro, Paris, 13 janvier 2021.

(6) « Opération antiterroriste du 8 décembre. Tribune du Collectif des combattantes et combattants francophones du Rojava en soutien à leur camarade incarcéré [https://lundi.am/Operation-antiterroriste-du-8-decembre] », Lundi matin, 2 février 2021.

(7) Collectif, Hommage au Rojava. Les combattants internationalistes témoignent, Libertalia, Montreuil, 2020.

(8) Raphaël Kempf, Ennemis d’État. Les lois scélérates, des anarchistes aux terroristes, La Fabrique, Paris, 2019. Lire Raphaël Kempf, « Le retour des lois scélérates », Le Monde diplomatique, janvier 2020.

(9) Laurence Blisson, « Risques et périls de l’association de malfaiteurs terroriste », Délibérée, no 2, Paris, 2017.
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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 09 nov. 2021 19:53

Soutien aux inculpé·e·s du 8 décembre - Comité francilien
Vendredi 5 novembre 2021 notre camarade, compagnon et ami détenu à Fleury-Mérogis est sorti sous contrôle judiciaire, après onze mois de prison en détention préventive !
Notre joie est immense de le savoir de retour chez lui, auprès de ses proches, après tant de temps passé derrière les barreaux sous statut DPS... Mais cela ne saurait éteindre notre colère.
Colère de voir le gâchis humain, les vies broyées, les espoirs déçus, l'attente, le temps perdu, les humiliations pour les inculpé.e.s et leurs proches venant les visiter au parloir, les privations répétées de droits au cours de leur détention, l'arbitraire de la justice et de l'administration pénitentiaire...
Évidemment nous ne cachons pas notre satisfaction de voir « l'affaire du 8 décembre » se dégonfler inexorablement comme une baudruche, pour laisser paraître son absurdité et son infamie. Mois après mois, l'accusation démontre sa faiblesse et le peu d'éléments en sa possession, laissant apparaître crûment son seul objectif de répression politique.
Mais nos camarades, elleux, ont payé le prix fort pour cette farce montée de toutes pièces par le cirque judiciaire et médiatique !
L'un d'entre-elleux reste toujours détenu à ce jour, à l'isolement. Plus que jamais il a besoin de notre soutien collectif pour l'aider à tenir.
Nous continuerons à donner de la voix inlassablement pour faire connaître le sort qui lui est réservé, lui qui est privé de soins et n'a vu un médecin qu'une seule fois en onze mois de détention à l'isolement !
Cette affaire prend place dans un contexte plus large de criminalisation des luttes, d'usage de l'association de malfaiteurs comme outil de répression politique et de montée de l'extrême-droite dans une ambiance préfasciste.
Depuis 2015, et plus encore ces derniers mois avec les lois liberticides votées l'hiver dernier, les virages sécuritaires des gouvernements successifs ont été particulièrement inquiétants. Les derniers projets de loi et le climat électoral délétère en attestent.
Nous sommes en train de passer un cap. Aujourd'hui, la justice vient exercer une punition préventive. Des personnes sont enfermées pour éviter qu'elles ne causent problème, simplement par leurs affiliations - réelles ou supposées - à des mouvements dits "radicaux".
Plus que jamais nous devons faire front, pour lutter contre la judiciarisation des idées politiques d'émancipation et la criminalisation de l'action politique.
Nous restons déterminés jusqu'à ce que tous soient libres, nous ne lâcherons pas jusqu'à ce que le dernier soit sorti de sa détention à l'isolement !
Ils veulent nous terroriser, nous ne nous laisserons pas antiterroriser !
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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 11 déc. 2021 16:49

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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 21 mars 2022 18:26

Des nouvelles du fond à gauche...
Notre camarade en est à son 17e jour de grève de la faim contre son isolement carcéral. Son crime ? Avoir combattu Daech.

https://soutienauxinculpeesdu8decembre. ... CLhIywOiZ8
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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 27 mars 2022 12:01

Libre Flot est hospitalisé depuis ce jeudi 24 mars à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes. Il poursuit sa grève de la faim, entamée il y a presque 1 mois.
Il constate que ses forces s’amenuisent considérablement ces derniers temps : le visage marqué par la perte de plus de 10kg, des difficultés à se tenir debout trop longtemps ou à se déplacer, son énergie diminue de jour en jour.
Samedi dernier, il a été hospitalisé une première fois pour une forte douleur au thorax. Douleur due à l’isolement qu’il signalait déjà dans sa lettre de juin 2021 dans laquelle il décrivait une « forte pression thoracique accompagnée d’une douleur aiguë au cœur ». Son transfert aller-retour vers l’hôpital a pris 9h, encadré par des hommes lourdement armés, pour un simple avis médical.
Au vu de ces circonstances et rappelant que son accès à la santé ayant été bafoué continuellement depuis son incarcération, Libre Flot souhaitait cette hospitalisation pour sortir de l’isolement et avoir accès directement à des médecins et des soins si nécessaire.
Malgré tout cela, il garde la pêche et reste lucide sur la situation. Il remercie toutes celles et ceux qui le soutiennent dans son combat pour la liberté.
Dans les rangs de ses tortionnaires, l’omerta règne quand à l’illégalité de son maintien à l’isolement et son renouvellement par Dupont-Morretti le 10 mars dernier. Le juge d’instruction Jean-Marc Herbaut continue d’exercer des pressions sur ses collègues JLD (Juges des Libertés et de la Détention) pour le maintenir en détention « provisoire », malgré les DML (Demandes de Mise en Liberté) quotidiennes depuis le 27 février et l’avis favorable de professionnels des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP).
Les médias continuent de diffuser en boucle les propos de la DGSI : « meneur » d’un « groupe » d’« ultragauche » qui aurait projeté des « actions violentes » contre la police et de passer sous silence les nombreuses fois où les proches et les inculpé.es ont démenti ces accusations.
Quant aux organisations de défense des droits humains (LDH, Amnesty), qui ont pourtant dénoncé depuis 2015 les « dérives » des lois d’exception, elles se terrent dans un silence complice malgré les nombreux appels à l’aide de sa famille.
Dans les rangs de son « camp social », quelques voix commencent à s’élever. Il y a eu des communiqués de Solidaires, de l’Union Communiste Libertaire, la CNT, le NPA. Des banderoles de soutien fleurissent : Suisse, Grèce, Ariège, Paris, Montreuil, Rennes, Toulouse, Albi et quelques rassemblements on eu lieu, dont un a été sévèrement réprimé à Toulouse le 16 mars. Les lettres de Libre Flot se diffusent aussi sur plusieurs radios militant.es : Canal Sud, Radio Canut, L’Envolée, Radio Pikez, 94° à l’ombre, etc. Une tribune, réunissant une cinquantaine de « personnalités », a été publiée sur Le Média, L’Humanité, Reporterre, Politis et LundiMatin. Les signataires réclament le droit de « se défendre dans des conditions décentes ». Enfin, une pétition demande sa libération immédiate et rappelle le contexte de criminalisation à l’échelle européenne des militant.es (pro)kurdes.
Nous invitons toutes les personnes qui le soutiennent à se saisir de cette histoire et à s’organiser pour exiger sa libération immédiate.
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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par moncul » 27 mars 2022 12:40

Oh la vache... Au moins il a maintenant accès à des soins médicaux, mais faut espérer qu'il a pas trop pris cher entre l'isolement et la grève de la faim...

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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 31 mars 2022 22:19

Article de Médiapart, ce soir :
Dans la seule affaire « terroriste » d’ultragauche, une grève de la faim qui s’éternise
Pour protester contre ses conditions de détention, Florian D. a cessé de s’alimenter le 27 février. Il est hospitalisé depuis la semaine dernière, après quinze mois à l’isolement. La justice antiterroriste l’accuse d’avoir mis sur pied un « groupe clandestin armé » en France, après un séjour auprès de combattants kurdes.

Aux yeux de la justice qui l’a placé en détention provisoire, Florian D., 37 ans, est présumé innocent. Mais elle le soupçonne aussi d’être le « leader charismatique » d’un groupe « d’ultragauche » composé de sept personnes, toutes mises en examen pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle » en décembre 2020. Il leur est reproché d’avoir voulu commettre une « action violente » contre les forces de l’ordre, à l’aide d’armes à feu ou d’explosifs, sans qu’aucune cible précise ne soit identifiée.
Comme le racontait Mediapart il y a un an, c’est la première fois que la justice antiterroriste s’aventure sur le terrain de « l’ultragauche » depuis le fiasco de l’affaire de Tarnac. Celle-ci s’était soldée par un abandon des qualifications terroristes et une relaxe quasi générale en 2018, après dix ans de procédure.
Le 24 mars, Florian D. a été transféré de la prison de Bois-d’Arcy (Yvelines) à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne). Il est très affaibli : sa grève de la faim a commencé le 27 février. Elle se poursuit depuis. Après plus d’un mois de jeûne, son état nécessite une attention médicale constante et il ne pèse plus que 47 kilos.
À travers cette action qui compromet sa santé, le détenu entend dénoncer « l’absence d’écoute de l’administration pénitentiaire et de l’autorité judiciaire », regrettent ses avocats, Mes Coline Bouillon et Raphaël Kempf, « très inquiets » pour leur client. La défense conteste la qualification terroriste du dossier.
Agrandir l’image
Dans la cour de l'hôpital pénitentiaire de Fresnes en 2020. © Photo Christophe Archambault / AFP
Des sept personnes mises en examen dans cette affaire, Florian D. est la dernière à demeurer en détention provisoire dans l’attente d’un éventuel procès. À plusieurs reprises, il a demandé à être, lui aussi, remis en liberté sous contrôle judiciaire. Ou, à défaut, à ce qu’on allège ses conditions de détention.
Le dernier refus lui a été notifié mi-février. Dix jours plus tard, il commence sa grève de la faim et l’explique dans un texte, signé « Libre Flot », où il se décrit comme « enterré vivant dans une solitude infernale et permanente », réduit à « contempler le délabrement de [ses] capacités intellectuelles et la dégradation de [son] état physique ».
Depuis son premier jour d’incarcération, Florian D. est à l’isolement : il ne doit croiser aucun autre détenu en promenade et n’a pas accès aux activités collectives. Comme le veut la procédure, au-delà d’un an, il revient au ministre de la justice en personne de prolonger ce régime tous les trois mois. Éric Dupond-Moretti l’a déjà fait une fois.
Le jour de son hospitalisation, l’administration pénitentiaire a finalement décidé de lever l’isolement de Florian D. : s’il devait retourner en détention, il pourrait côtoyer les autres prisonniers.
En prison, Florian D. « respecte scrupuleusement les règles »
Dès le mois de février, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) de Bois-d’Arcy s’était déclaré « favorable » à ce qu’il rejoigne la détention ordinaire. Dans son rapport, le Spip salue le « bon comportement » d’un détenu « très soutenu par ses proches », qui passe « la plupart de son temps à lire » et entretient « de nombreuses correspondances » (plusieurs lettres ont été publiées par son comité de soutien, bien que le Spip n’en fasse pas état).
Dans sa cellule, Florian D. prend des cours d’anglais par correspondance, apprend le persan et le basque « en autonomie avec des manuels », fait du sport et ne présente « aucune difficulté avec le personnel ». Pour le Spip, les difficultés causées par le régime d’isolement, qui l’empêche de participer aux activités collectives et retarde son accès aux soins médicaux, « ne semblent pas proportionnées aux éléments objectifs ».
De son côté, le chef de détention confirmait que Florian D. « respecte scrupuleusement les règles ». Il préconisait cependant son maintien à l’isolement « au vu du motif de son incarcération et de sa dangerosité, afin de préserver la sécurité de [leur] structure et protéger les personnels ».
Le juge des libertés et de la détention, qui doit se prononcer sur chaque demande de remise en liberté, a un temps étudié la possibilité de laisser Florian D. sortir de prison, grâce à une assignation à résidence sous bracelet électronique. Mais le parquet national antiterroriste (Pnat) et le juge d’instruction chargé du dossier s’y opposent de concert, au nom de « l’ordre public » et des nécessités de l’enquête, toujours en cours. Ils craignent qu’une fois libre, Florian D. puisse « se concerter » avec d’autres acteurs de l’affaire et ne se présente plus aux convocations.
Les réticences des magistrats s’expliquent surtout par la nature du dossier. Selon le parquet antiterroriste, les sept mis en examen formaient un groupe clandestin, « organisé autour de la figure charismatique de Florian D., prônant une remise en cause sociétale par la violence et se préparant à une action violente » à travers des entraînements, la détention d’armes et la confection de produits explosifs.
Armes, explosifs et sonorisation
Florian D. fait l’objet d’une surveillance par la DGSI depuis un temps indéterminé et par définition secret. Mais c’est sans aucun doute son séjour de dix mois au Rojava, où il a combattu Daech aux côtés des Kurdes du YPG de mars 2017 à janvier 2018, qui a attiré l’attention du renseignement sur son cas. Et entraîné tout le reste.
Deux ans après son retour en France, la DGSI sollicite l’ouverture d’une enquête judiciaire auprès du parquet national antiterroriste. Sur la foi des données qu’elle a accumulées, la police estime alors que l’ancien combattant internationaliste Florian D. « cherche à constituer un groupe violent en vue de commettre des actions de “guérilla” sur notre territoire », avec plusieurs personnes nommément désignées comme des « activistes d’ultragauche » : les futurs mis en examen.
Par le biais de ses techniques de renseignement, la DGSI en sait déjà beaucoup sur le « comportement clandestin » de cette bande de trentenaires, qui s’entraîneraient « aux techniques militaires » sous couvert de pratiquer l’airsoft à la campagne et possèdent deux vrais fusils.
Convaincu par le tableau inquiétant qui lui est dressé, le Pnat ouvre une enquête préliminaire le 7 février 2020. Il autorise des écoutes judiciaires, mais surtout la géolocalisation et la sonorisation du camion de Florian D. Elle s’avère décisive pour la suite, car les mis en cause communiquent peu par téléphone, ou via des applications chiffrées (telles que WhatsApp, Signal, Telegram), hors de portée des écoutes.
Grâce à cet accès au camion, doublé de filatures, la DGSI assiste « en direct » à deux scènes surprenantes, le 15 février et le 11 avril 2020. Sur des terrains isolés, dans l’Indre et en Dordogne, plusieurs de ces suspects, dont Florian D. et l’un de ses amis, artificier de profession, réalisent des essais d’explosifs. Un rapport d’expertise, fondé sur les conversations captées entre les protagonistes, estime qu’ils ont fabriqué du TATP et du nitrate d’ammonium. Dans la foulée, le 20 avril 2020, le parquet antiterroriste confie l’enquête à un juge d’instruction.
Au fil des mois qui suivent, les enquêteurs compilent les conversations entre Florian D. et ses amis. Certaines d’entre elles, où il est question de munitions et de permis de chasse, sont retenues comme des éléments à charge : Florian D. possède des armes et « cherchait à en acquérir d’autres ». Dans quel but ? Pour le juge d’instruction, les écoutes démontrent « l’intention explicite » de commettre une action violente visant « des policiers ou des militaires », « y compris en les tuant ».
À la sortie d’une armurerie, Florian D. affirme devant ses amis qu’il veut « tuer des poulets » à la chasse et s’esclaffe. Deux mois plus tard, alors qu’il semble passer devant un parking rempli de véhicules de police, il évoque l’idée de les « cramer ».
Dans une autre écoute, durant laquelle il imagine avec un ami la conduite à tenir si un CRS se retrouvait isolé face à eux dans une manifestation, Florian D. tient ces propos : « Eux, ils nous butent, ils nous mutilent et nous, on va taper pour le folklore ? C’est mort, le mec, il est là, je le bute. » La défense n’y voit que des « blagues ironiques » et des « conversations alcoolisées ».
En garde à vue, deux des futurs mis en examen prêtent aussi à Florian D. l’intention de s’en prendre à des policiers, avant de se rétracter en partie. L’un d’entre eux compare les propos tenus à ceux de syndicalistes qui promettraient de « pendre les patrons » à la fin d’une réunion, sans y croire.
Aucune cible précise n’était identifiée à ce stade.
Le parquet national antiterroriste
La teneur exacte du « projet conspiratif » prêté au groupe, pour reprendre les termes du parquet, reste toutefois inconnue. « Aucune cible précise n’était identifiée à ce stade », reconnaît-il lui-même. Mais en matière de terrorisme, c’est l’intention qui compte. Le timing des arrestations reste toutefois mystérieux : presque huit mois se sont écoulés depuis le dernier test d’explosifs et aucun élément nouveau ne paraît changer la donne.
Dans sa dernière lettre rendue publique, juste avant son hospitalisation, Florian D. explique qu’il est en grève de la faim « pour que l’on cesse de [le] traiter comme les terroristes contre lesquels [il a] combattu ». Il dresse un parallèle entre sa situation et celle des « volontaires internationalistes » qui partent aujourd’hui pour l’Ukraine, « encensé·es par les médias et les politiques » :
« À votre retour, [...] vous serez sûrement épié·es et surveillé·es, toute votre vie pourra être redessinée, réécrite, réinterprétée et de simples blagues pourront devenir des éléments à charge lorsque ces institutions auront décidé de vous instrumentaliser pour répondre aux besoins de leur agenda politique. »
Aux yeux de « Libre Flot » et de ses soutiens, la procédure antiterroriste vise à « criminaliser les militants et militantes ayant lutté avec les Kurdes contre Daech ». De fait, bien d’autres reproches ont motivé l’arrestation des sept personnes visées par l’enquête. Mais sans le Rojava, la police n’aurait peut-être jamais croisé leur route.
Camille Polloni
Et la réponse des comités de soutien à l'article ci-dessus :
Mediapart, chien de garde de la DGSI

Alors que ses camarades et avocat.es tentent de visibiliser depuis des semaines la situation de Libre Flot, en grève de la faim après 15 mois passé à l’isolement pour une affaire pour laquelle il n’a pas été jugé, la DGSI organise une opération de contre-propagande dans laquelle elle a trouvé comme relai le journal Mediapart.

Une certaine vision de l’investigation

La situation était aussi simple que révoltante. Voilà 15 mois que Libre Flot et 6 autres accusé.es attendent leur jugement. Quinze mois depuis lesquelles Libre Flot est enfermé à la taule de Bois d’Arcy alors que ses camarades ont été progressivement libéré.es. Quinze mois durant lesquels on l’a laissé croupir à l’isolement. Quinze mois durant lesquels il a documenté dans ses lettres les graves dommages que l’absence de contact humain faisaient subir à son mental. L’isolement est une torture que rien ne justifie. La justice française la fait subir illégalement depuis 15 mois à Libre Flot en la justifiant uniquement par ses chefs d’inculpation, alors même qu’il est présumé innocent. Et voilà 33 jours qu’il s’est mis en grève de la faim, mettant en jeu ce qu’il lui reste de santé mentale et physique, pour exiger la fin de cette situation, le tout dans le silence assourdissant des médias capitalistes.

Ses avocat.es tentaient hier de briser ce silence via une conférence de presse. Mais la DGSI a décidé de tirer la première. Elle l’a fait par le biais de la journaliste Camille Polloni et de son journal Mediapart, dans un article laconiquement intitulé « Dans la seule affaire « terroriste » d’ultragauche, une grève de la faim qui s’éternise » – le mot « terrorisme » étant mis entre des guillemets de rigueur, mais certainement pas le mot « ultragauche », terme policier dont personne ne sait vraiment ce qu’il signifie. Les mots des flics repris dès le titre sans distance, on sentait que l’on allait déguster.

La première partie de l’article est pourtant correcte, exposant la situation, relayant l’état de santé inquiétant de Libre Flot, citant ses avocat.es et des extraits d’une lettre publique où il se décrit comme enterré vivant. C’est ensuite que ça se corse, Polloni ayant visiblement choisi d’aller se faire servir ses infos directement auprès de la flicaille et/ou du juge, qui ont décidé qu’il était temps de faire fuiter de nouveaux éléments du dossier, histoire de détourner l’attention de leurs méthodes infâmes de détention. Alors quels sont ces nouveaux éléments ? Eh bien pas grand-chose, finalement, l’enquête piétinant depuis les dernières fuites organisées par la DGSI dans le journal le Point en décembre 2020. De l’aveu même des flics, nous sommes face à des « terroristes » d’un genre nouveau : celleux qui n’ont pas de projet d’attentat. On retrouvera donc ce qu’on savait déjà : la possession de 2 fusils de chasse, des parties d’airsoft, deux explosions réalisées au milieu de nulle part, l’expérience militaire acquise par Libre Flot au côté des Kurdes du Rojava contre Daesh, des « aveux » rétractés depuis, et des écoutes. Ah les écoutes, c’est ça l’élément nouveau qui n’avait pas encore été dévoilé à la presse, la bombe que la DGSI pose pour discréditer le combat de Libre Flot contre son enfermement. Vous voulez savoir ce qu’iels disent, les terroristes, qui va faire trembler dans les chaumières ? Iels parlent de « tuer des poulets », de « cramer » des caisses de flics. « Eux, ils nous butent, ils nous mutilent et nous, on va taper pour le folklore ? C’est mort, le mec, il est là, je le bute » aurait dit un jour Libre Flot, parlant d’un CRS. Terrifiant ? Aucun acte, aucune préparation d’acte n’est pourtant renseignée par l’enquête.

L’art délicat du montage

Au cinéma, un monteur habile peut, à partir des mêmes rushs, des mêmes images, raconter tout un tas d’histoires différentes. La DGSI maîtrise à la perfection cet art. Des individus qui ne se connaissent même pas toustes et habitent parfois à des centaines de kilomètres les un.e des autres sont ainsi devenu.es par la magie du montage une « bande », un « groupe clandestin » regroupé autour d’un leader « charismatique » qui, tout anarchiste et anti-autoritaire qu’il est, n’en demandait sans doute pas tant. Et Mediapart nous donne à voir, sans recul aucun, le film monté par la DGSI, composé à partir d’éléments disparates tirés de la vie de ces personnes qui avaient le malheur – ou le bon sens – de ne pas aimer la police. Des éléments obtenus à partir d’enregistrements réalisés jusque dans le lit de Libre Flot. Ou encore à partir d’interrogatoires de plusieurs heures de personnes en état de choc après leur violente arrestation, tombant facilement dans les pièges des interrogateurs : leurs manipulations, leurs mensonges, leurs menaces pour tirer des aveux qui ne valent rien. Ces méthodes ont été largement documentées et dénoncées, parfois par Camille Polloni elle-même. Elle choisira pourtant cette fois, question de cadrage, de les laisser hors-champ, crédibilisant ainsi la version policière. De même, elle nous explique que l’enfermement de Libre Flot est dû à une crainte de le voir contacter d’autres « acteurs de l’affaire » alors même que son interdiction de communiquer avec les autres accusé.es vient d’être levée pour une personne, et que d’autres levées devraient donc logiquement suivre – mais ça, Camille Polloni l’ignorait sans doute, elle que les flics avaient pourtant si bien renseignée.

Et c’est ainsi qu’une fois arrivé au générique du thriller de la DGSI, on a oublié la grève de la faim de Libre Flot. On a oublié l’isolement, on a oublié la torture blanche, on a oublié les murs poisseux de la prison derrière lesquels l’État élimine de la vie sociale toute personne, de préférence pauvre et/ou racisée, qui serait susceptible de se dresser face à lui un jour, on a oublié cette prison qui tue et qu’il faudra bien abolir. On a oublié tout ça, car on a tremblé devant ces jeunes gens en colère, qui avec leurs deux fusils de chasse ont imaginé que peut-être un jour on arrêterait de se laisser faire par la répression policière. On a eu peur de cette « bande », et on se dit que, finalement, ces personnes ont mérité ce qu’elles vivent, qu’on peut bien être en colère, mais pas en agitant des fusils tout de même, que la police ne mérite pas de telles menaces, et qu’on a sans doute bien raison de les enfermer. On peut alors retourner dormir tranquille en oubliant qu’un homme vit la torture blanche depuis maintenant 15 mois. Tout est en ordre. La DGSI a bien fait son travail. Mediapart l’y a bien aidé.

Mais nous, nous n’oublierons pas. Nous continuerons à soutenir nos camarades, et à cracher sur le journalisme de préfecture.

Nous continuerons à nous mobiliser. Lundi 4, ce sera la journée internationale de soutien à Libre Flot. Nous serons nombreuses et nombreux dans les rues ce jours-là. Et les suivants.
Modifié en dernier par Chéri-Bibi le 01 avr. 2022 15:43, modifié 1 fois.
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Re: La "menace de l'ultragauche" (sic) - Appel à soutien

Message par Chéri-Bibi » 01 avr. 2022 0:28

https://soutien812.blackblogs.org/2022/ ... HnCcgFv0I0
Nous avons appris la levée de l’isolement pour Libre Flot, le jour de son hospitalisation. C’est une avancée qui redonne de l’espoir, car la prochaine étape est sa libération. Libre Flot continue donc sa grève de la faim, jusqu’à ce qu’on lui donne ce qu’il réclame: le droit de se défendre dans la dignité.

La levée de son isolement est peut être aussi une simple formalité administrative nécessaire à son hospitalisation, voilà aussi la réalité de l’enfer carcéral et de son extrême déshumanisation des détenu.es.

Après 15 mois d’isolement ILLEGAL, il a fallu que sa vie soit en danger pour qu’il soit levé, PROVISOIREMENT.

Son avocat, Raphael Kempf lui a rendu visite ce mardi 29, il écrivait en sortant :

« J’espérais ne jamais voir ça dans ma vie d’avocat. Je sors de l’hôpital de la prison de Fresnes. J’ai vu Libre Flot dans sa cellule.

C’est son 30e jour de grève de la faim. Il pèse 47 kg (63 d’habitude). Il est sous perfusion pour ne pas sombrer. Son visage est livide.

Dans sa cellule, quand son esprit arrive à se concentrer un peu, il lit Mona Chollet ou « Terre et Liberté » d’Aurélien Berlan et un essai sur le Rojava.
Il écoute Anne Sylvestre (beaucoup) et les Beruriers Noirs (un peu moins, ça peut se comprendre).

Il y a des endroits en France qui l’attendent, qui l’accueillent. La justice le sait. Hâte qu’il soit libéré.«


Nous aussi avons hâte, et continuerons d’exiger sa libération immédiate tant qu’il le faudra !
Ce lundi 04 avril aura lieu une Journée Internationale de Solidarité pour Libre Flot !
Nous invitons tous les camarades à se saisir de cette occasion pour manifester votre soutien. Libre Flot est un militant antifasciste, il a soutenu la révolution démocratique, écologiste et féministe du Rojava, il a beaucoup oeuvré à l’acceuil des exilé.es, à Calais notamment.
Il est aussi votre camarade.
Prochains rassemblements :
02 avril – Rennes – 14h – Place de la République
04 avril – Paris – 18h – Ménilmontant
04 avril – Toulouse – 18h – Palais de Justice
IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI
Nous tournons en rond dans la nuit et le feu nous dévore

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